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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 8.1860

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Nr. 2
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Montaiglon, Anatole de: M. Jules Renouvier
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https://doi.org/10.11588/diglit.17224#0112

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M. JULES RENOUVIER. 107

tant plus d'honneur d'avoir accueilli et d'avoir donné au public un tra-
vail aussi important et aussi nouveau. Jusque-là il n'y avait aucune phi-
losophie, presque aucune critique clans l'histoire de la gravure. Des
dictionnaires inachevés, des catalogues incolores, des monographies ma-
térielles et en apparence trop développées parce qu'elles sont en trop
petit nombre, un commencement incomplet d'inventaire dont les parties
tentées sont de plus remplies d'erreurs, de contradictions et d'ignorances,
voilà ce que présentaient à peu près les travaux antérieurs sur l'histoire
de la gravure.

Un seul homme au xvme siècle était capable de l'entreprendre; mais
le savant et laborieux Mariette, que M. Renouvier a suivi plus d'une fois,
avait passé toute sa vie à s'y préparer sans la commencer jamais. M. Re-
nouvier s'est tenu volontairement aux lignes générales, aux appréciations
d'ensemble qui donnent le cadre et la place des détails. Il a étudié, il a
compris, il a expliqué les origines, les causes, il a noté les influences et
les filiations des époques, des pays et des hommes; il a formé les groupes,
il a donné les caractères et les motifs des progrès et des différences. L'es-
tampe, pour lui, n'est pas un morceau de cuivre mordu ou taillé, dont
l'épreuve est pour le marchand plus ou moins chère, et pour l'amateur
plus ou moins rare, et qui devient ainsi un objet de vanité beaucoup
plutôt qu'une belle chose; elle est pour M. Renouvier une manifestation
dont il cherche le sens et la raison; il jouit de sa beauté quand il la ren-
contre, et il y était plus sensible qu'aucun autre; mais dans toutes il sait
et il fait lire, il en traduit la langue, il en déduit les antécédents et les con-
séquences; il met l'ordre de la logique et de la vérité dans ces feuilles
éparses qui n'avaient été que rassemblées sans être distinguées comme
il convenait. Ce n'est pas un catalogue qu'il a fait, c'est un livre; ce
n'est pas matériellement qu'il décrit, il comprend et il fait comprendre;
il juge et il classe; au lieu de voir seulement, il étudie et il conclut. Ce
ne sont pas des notes ni des matériaux, c'est presque une histoire dans
le sens élevé du mot.

Je le répète, c'est l'œuvre capitale de M. Renouvier, et une œuvre qui
restera; mais il était le seul qui n'en fût pas content. Le long temps qu'il
mit forcément à la publier lui montra des défauts, des lacunes, des erreurs
même dans la première partie, et il se détermina résolument à la tenir pour
non avenue et à la refaire. Sa fortune, qui lui donnait l'indépendance de
son temps, lui permettait aussi d'employer chaque année plusieurs mois à
des voyages et à des séjours pendant lesquels il n'écrivait jamais, mais qu'il
consacrait tout entiers à voir, à comparer, à vérifier, à amasser des notes
et des matériaux qu'il remportait à son foyer pour les coordonner et les
 
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