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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 8.1860

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Nr. 2
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Mouvement des arts et de la curiosité
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https://doi.org/10.11588/diglit.17224#0123

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1 18

GAZETTE DES BEAI \-\KTS.

qu'il ne lui est pas permis de dépasser, ('lies devraient aussi obliger l'auteur des pro-
grammes de concours. Par exemple, Sophocle, en face de ses juges qu'il convainc, de
ses Gis dont il détruit, l'accusation impie à force de génie, en présence de la foule séduite
et charmée, semble d'une interprétation si difficile, qu'un seul homme aujourd'hui pour-
rait peut-être l'aborder heureusement et l'exprimer avec tous les développements
qu'une telle figure comporte; encore M. Ingres, pour donner à ce vieillard la majesté
de l'âge, l'autorité de l'innocence, l'élan et l'enthousiasme du poète, l'émotion indignée
du père, aurait besoin d'approfondir son œuvre parla pensée et l'étude, d'en recher-
cher mûrement, avec une attention scrupuleuse, les effets, c'est-à-dire de ne pas être
comprimé parles entraves inflexibles et inévitables d'un règlement.

En donnant pour sujet Sophocle accusé par ses fils, c'était donc condamner d'avance
des jeunes gens inexpérimentés à se montrer au-dessous du programme, inférieurs à
eux-mêmes; c'était préparer un concours faible et terne. Aussi, pas un des logistes ne
s'est-il élevé au-dessus de la médiocrité. Des torses bien peints, exécutés avec soin
plutôt que bien accentués, des draperies épinglées sur le mannequin avec plus de
patience que de sentiment, des figures à peu près d'ensemble, voilà ce qu'ont donné
les plus forts. Quant aux qualités d'un ordre supérieur, il n'en faut pas parler. Celles
qui devaient ressortir naturellement du sujet ont fait complètement défaut; celles qui
procèdent du goût, d'où naît le style, qui constituent les caractères distinctifs de
ce qu'on appelle la grande peinture, ont également été absentes. Que dis-je? quelques-
uns ont poussé l'oubli des traditions fondamentales qui sauvegardent l'art dans sa plus
haute expression, et qu'on devrait révérer à l'École plus que partout ailleurs, jus-
qu'à rechercher des effets piquants, des tons gaillards, comme s'il s'agissait seulement
pour eux de viser à l'imitation des dessus de portes en faveur au siècle dernier. Je le
crains, ces jeunes gens n'ont pas l'amour réel de l'art, ni la conscience exacte de son
excellence, et ce n'est pas d'eux que notre école énervée et chancelante peut espérer un
retour aux jours des triomphantes époques.

M. Yibert, cependant, paraît avoir fait un effort dans le sens du style. Ses juges,
assis, ont une gravité de silhouette, une ampleur de lignes et d'ajustements d'un beau
caractère. Cette partie de son tableau a même été, à certains égards, le meilleur mor-
ceau du concours. De son côté, M. Robert Fleury a trouvé d'heureux accents pour
traduire les sentiments de la foule attentive aux paroles de ce père chargé d'années et
de gloire. Enfin, M. Lefebvre a montré, à défaut de vigueur et d'originalité, une tenue
d'exécution et d'ensemble qui semblait devoir lui assurer la première récompense.
L'Institut en a décidé autrement. Les jugements de l'illustre compagnie sont assurément
très-respectables; mais qu'il soit permis cependant de constater que le public n'a pas
ratifié l'arrêt dont M. Lefebvre a été victime.

Le premier grand prix a été obtenu par M. Michel : tableau assez bien composé,
exécution froide, effet indécis et mou, style nul, goût trivial, dessin lourd et vulgaire.
M. Layraud a remporté le deuxième prix : harmonie jaune, couleur vitreuse, peinture
habile et vive, composition bien condensée. La figure de Sophocle n'a pu être terminée.
Les têtes sont, en général, expressives. Quant au caractère grec, M. Layraud paraît en
avoir oublié les premiers principes; on dirait un souvenir des peintres français du
xvmc siècle. M. Layraud fera bien d'abandonner cette voie; en la suivant, il appren-
drait, entre autres choses, à dédaigner la noblesse et la simplicité, et, en revanche, il
n'arriverait peut-être jamais à acquérir la verve, la chaleur d'exécution, le tempéra-
ment, qu'ont montrés certains artistes de cette période de décadence.
 
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