30/| GAZETTE DES BEAI X-ARTS.
Nous déplorons cet avortement. Mais pourquoi de plus vaillants que
nous ne reprendraient-ils pas l'œuvre abandonnée? Elle est digne de ten-
ter un groupe d'esprits courageux; plus que jamais, elle serait utile et
bienvenue. Il n'est pas un de nous, j'entends de ceux qui, tant bien que
mal, essayent d'écrire sur les questions d'art ou s'étudient à les com-
prendre, qui ne regrette plusieurs fois par jour de ne pas trouver sur sa
table de travail ce répertoire critique des belles œuvres que la France
possède sans s'en douter. Aussi, en attendant que ce grand labeur s'ac-
complisse, est-ce un devoir pour tous ceux qui tiennent une plume de
venir, lorsque le basard d'un voyage ou la bonne fortune d'une rencontre
heureuse leur aura révélé quelque richesse inconnue, rendre compte de
leur découverte et dire tout haut l'impression qu'ils auront subie. Si chacun
de nous voulait se donner cette peine, l'immense travail que nous avions
rêvé se ferait peu à peu, et il ne resterait plus tard à un écrivain zélé qu'à
en réunir les éléments et à composer de ces notes éparses un ensemble
qui, je n'ai pas besoin de le redire, révélerait à notre pays ses trésors
cachés et apporterait à tous les curieux le meilleur des enseignements.
La Gazette des Beaux-Arts est bien résolue à contribuer, dans la me-
sure de ses forces, à l'élaboration de ce précieux inventaire; et, sans
tarder davantage, elle dira aujourd'hui quelques mots d'une collection
provinciale dont personne, que nous sachions, n'a jamais parlé, et qui
n'est pourtant pas indigne des honneurs d'un compte rendu détaillé.
Les tableaux qui composent le cabinet de M. A. Dumont, de Cambrai,
ne sont pas en grand nombre, et il est à peine utile de dire qu'ils ne sont
pas tous d'une égale valeur. Réunis provisoirement clans un salon qui,
j'imagine, n'est guère plus vaste que celui qu'ambitionnait Socrate, ils
constituent moins une galerie définitive que le noyau, déjà bien précieux,
d'une collection que le goût déplus en plus raffiné du propriétaire saura
épurer et enrichir. Mais, tel qu'il est aujourd'hui, le cabinet de M. Dumont
renferme quelques œuvres charmantes et instructives : c'est surtout de
ces dernières que nous voudrions parler à notre aise.
Le tableau qui nous arrêtera d'abord et qui est, à bien des égards, la
pièce capitale de la collection, est un Van der Meer de Delft. Que
M. W. Bùrger nous pardonne de décrire avant lui une œuvre que ses
patientes études sur ce maître, fameux d'hier, — et grâce à lui — dési-
gnaient naturellement à l'honneur d'en parler le premier. Mais dans les
pages heureuses qu'il a consacrées à ce peintre si rare et si fort, l'auteur
des Musées de la Hollande} curieux de reconstituer la personnalité mys-
térieuse de Yan der Meer, a fait appel à tous les « dénicheurs de raretés.))
M. Léon Lagrangc, à qui ce titre convient si bien, a trouvé un tableau
Nous déplorons cet avortement. Mais pourquoi de plus vaillants que
nous ne reprendraient-ils pas l'œuvre abandonnée? Elle est digne de ten-
ter un groupe d'esprits courageux; plus que jamais, elle serait utile et
bienvenue. Il n'est pas un de nous, j'entends de ceux qui, tant bien que
mal, essayent d'écrire sur les questions d'art ou s'étudient à les com-
prendre, qui ne regrette plusieurs fois par jour de ne pas trouver sur sa
table de travail ce répertoire critique des belles œuvres que la France
possède sans s'en douter. Aussi, en attendant que ce grand labeur s'ac-
complisse, est-ce un devoir pour tous ceux qui tiennent une plume de
venir, lorsque le basard d'un voyage ou la bonne fortune d'une rencontre
heureuse leur aura révélé quelque richesse inconnue, rendre compte de
leur découverte et dire tout haut l'impression qu'ils auront subie. Si chacun
de nous voulait se donner cette peine, l'immense travail que nous avions
rêvé se ferait peu à peu, et il ne resterait plus tard à un écrivain zélé qu'à
en réunir les éléments et à composer de ces notes éparses un ensemble
qui, je n'ai pas besoin de le redire, révélerait à notre pays ses trésors
cachés et apporterait à tous les curieux le meilleur des enseignements.
La Gazette des Beaux-Arts est bien résolue à contribuer, dans la me-
sure de ses forces, à l'élaboration de ce précieux inventaire; et, sans
tarder davantage, elle dira aujourd'hui quelques mots d'une collection
provinciale dont personne, que nous sachions, n'a jamais parlé, et qui
n'est pourtant pas indigne des honneurs d'un compte rendu détaillé.
Les tableaux qui composent le cabinet de M. A. Dumont, de Cambrai,
ne sont pas en grand nombre, et il est à peine utile de dire qu'ils ne sont
pas tous d'une égale valeur. Réunis provisoirement clans un salon qui,
j'imagine, n'est guère plus vaste que celui qu'ambitionnait Socrate, ils
constituent moins une galerie définitive que le noyau, déjà bien précieux,
d'une collection que le goût déplus en plus raffiné du propriétaire saura
épurer et enrichir. Mais, tel qu'il est aujourd'hui, le cabinet de M. Dumont
renferme quelques œuvres charmantes et instructives : c'est surtout de
ces dernières que nous voudrions parler à notre aise.
Le tableau qui nous arrêtera d'abord et qui est, à bien des égards, la
pièce capitale de la collection, est un Van der Meer de Delft. Que
M. W. Bùrger nous pardonne de décrire avant lui une œuvre que ses
patientes études sur ce maître, fameux d'hier, — et grâce à lui — dési-
gnaient naturellement à l'honneur d'en parler le premier. Mais dans les
pages heureuses qu'il a consacrées à ce peintre si rare et si fort, l'auteur
des Musées de la Hollande} curieux de reconstituer la personnalité mys-
térieuse de Yan der Meer, a fait appel à tous les « dénicheurs de raretés.))
M. Léon Lagrangc, à qui ce titre convient si bien, a trouvé un tableau