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GAZETTE DES BEAUX-ART S.
amour pour la campagne, son affection pour le paysan, sa tendresse
pour le foyer domestique, les petits enfants. On a été fort loin aujour-
d'hui dans ces sortes d'inductions; on a voulu voir ce qui se cachait sous
la peinture, comme on a lu entre les lignes des écrivains. Cette méthode
offre d'excellents résultats, appliquée avec discrétion ; elle est excel-
lente surtout, appliquée aux personnages curieux de la littérature, des
sciences, des arts, de la politique, qui ont fermé leurs portes à la biogra-
phie, se sont renfermés toute leur vie dans de nombreux travaux, et n'ont
pas trouvé de leur vivant des écrivains complaisants. J'ai cru devoir m'en
servir pour les Le Nain, ces modestes artistes dont la vie ne peut être expli-
quée que parleur œuvre. Qu'ils soient trois ou quatre frères, les archivistes
le découvriront peut-être un jour. Gomment ils travaillaient? C'est ce qu'il
est difficile de démêler. Où ils ont vécu ? où ils sont enterrés ? Je laisse
maintenant ces trouvailles à d'autres. Mais ce qui ne sera jamais démenti,
c'est qu'ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu'ils aimaient
mieux les peindre que les puissants, qu'ils avaient pour les champs et les
campagnards les aspirations de La Bruyère, qu'ils croyaient en leur art,
qu'ils l'ont pratiqué avec conviction, qu'ils n'ont pas craint la bassesse du
sujet, qu'ils ont trouvé l'homme en guenilles plus intéressant que les
gens de cour avec leurs broderies, qu'ils ont obéi au sentiment intérieur
qui les poussait, qu'ils ont fui l'enseignement académique pour mieux
faire passer sur la toile leurs sensations; enfin, parce qu'ils ont été simples
et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois
grands peintres, les frères Le INain.
CM A M PFLEU R Y.
GAZETTE DES BEAUX-ART S.
amour pour la campagne, son affection pour le paysan, sa tendresse
pour le foyer domestique, les petits enfants. On a été fort loin aujour-
d'hui dans ces sortes d'inductions; on a voulu voir ce qui se cachait sous
la peinture, comme on a lu entre les lignes des écrivains. Cette méthode
offre d'excellents résultats, appliquée avec discrétion ; elle est excel-
lente surtout, appliquée aux personnages curieux de la littérature, des
sciences, des arts, de la politique, qui ont fermé leurs portes à la biogra-
phie, se sont renfermés toute leur vie dans de nombreux travaux, et n'ont
pas trouvé de leur vivant des écrivains complaisants. J'ai cru devoir m'en
servir pour les Le Nain, ces modestes artistes dont la vie ne peut être expli-
quée que parleur œuvre. Qu'ils soient trois ou quatre frères, les archivistes
le découvriront peut-être un jour. Gomment ils travaillaient? C'est ce qu'il
est difficile de démêler. Où ils ont vécu ? où ils sont enterrés ? Je laisse
maintenant ces trouvailles à d'autres. Mais ce qui ne sera jamais démenti,
c'est qu'ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu'ils aimaient
mieux les peindre que les puissants, qu'ils avaient pour les champs et les
campagnards les aspirations de La Bruyère, qu'ils croyaient en leur art,
qu'ils l'ont pratiqué avec conviction, qu'ils n'ont pas craint la bassesse du
sujet, qu'ils ont trouvé l'homme en guenilles plus intéressant que les
gens de cour avec leurs broderies, qu'ils ont obéi au sentiment intérieur
qui les poussait, qu'ils ont fui l'enseignement académique pour mieux
faire passer sur la toile leurs sensations; enfin, parce qu'ils ont été simples
et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois
grands peintres, les frères Le INain.
CM A M PFLEU R Y.