DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:Lagrange, Léon: Les illustrations du tour du monde
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33/, GAZETTE DES BUAUX-AHTS.
qui a eu le temps d'être découvert deux ou trois fois et deux ou trois Fois
enfoui.
Cette ignorance toute française, dont plusieurs tirent vanité, n'a pas
de plus rude ennemi que la maison Hachette. C'est elle qui a transformé
les chemins de fer en salons de lecture. De sa forteresse de la rue Pierre-
Sarrazin, d'où sont sortis tant d'Epitomeet de Sclectœ, effrois d'un autre
âge, elle tire à boulet rouge sur l'esprit casanier du siècle. Aux rudi-
ments ont succédé les relations de voyages; aux éditions latines et
grecques la Grèce contemporaine, le Voyage d'une femme an Spilzberg,
le Voyage aux Pyrénées de M. Taine, et ces Guides sans nombre qui
prennent le touriste par la main sur les bords de la Seine et l'accompa-
gnent à travers l'isthme de Panama, aux rives de l'Orégon ou dans les
placers de l'Australie. La librairie Hachette ne pouvait s'arrêter en si
bonne voie. Depuis le commencement de cette année elle a entrepris le
Tour du Monde.
Le Tour du Monde est à la fois une collection des récits de voyages
les plus récents, traduits de toutes les langues, et un journal des explora-
tions contemporaines. On éprouve en feuilletant ces deux volumes un
saisissement vertigineux. Chaque page est un pont jeté entre les contrées
les plus disparates. On passe avec la rapidité du vol de l'oiseau du sommet
du Gaurisankar, la plus haute montagne du globe, au port de Zanzibar ;
et du milieu des glaces où s'est perdu sir John Franklin, on se trouve
transporté devant un volcan de Java. Car le désordre le plus heureux et
le mieux calculé confond pêle-mêle tous les pays, tous les peuples qui
grelottent ou qui rôtissent sous le soleil. Vienne maintenant le classique
bourgeois du Voyage à Dieppe, on l'entraîne éperdu à travers les déserts,
les pampas, les banquises, les pitons, les lacs, les cataractes et les
océans.
Cette caravane des plus hardis pionniers du monde moderne a pris
pour guide et pour pilote M. Edouard Charton. C'était le sûr moyen
d'arriver au succès. M. Charton, on le sait, est l'heureux fondateur du
Magasin pittoresque, cette encyclopédie populaire qui a inauguré chez
nous l'enseignement par les images. Combien de gens, aveugles volon-
taires , à qui ce livre a appris à voir ! En vendant pour deux sous les
reproductions des chefs-d'œuvre de l'architecture, de la peinture, de
la sculpture, de l'orfèvrerie, en un mot de tous les arts du dessin,
M. Charton a rendu aux beaux-arts un service qu'on peut à peine appré-
cier aujourd'hui. 11 a ouvert à tous ce domaine accessible seulement
jusqu'alors aux deux catégories des riches de la terre, les riches de temps
et les riches d'argent. 11 a fait faire à la gravure sur bois en vingt-cinq
qui a eu le temps d'être découvert deux ou trois fois et deux ou trois Fois
enfoui.
Cette ignorance toute française, dont plusieurs tirent vanité, n'a pas
de plus rude ennemi que la maison Hachette. C'est elle qui a transformé
les chemins de fer en salons de lecture. De sa forteresse de la rue Pierre-
Sarrazin, d'où sont sortis tant d'Epitomeet de Sclectœ, effrois d'un autre
âge, elle tire à boulet rouge sur l'esprit casanier du siècle. Aux rudi-
ments ont succédé les relations de voyages; aux éditions latines et
grecques la Grèce contemporaine, le Voyage d'une femme an Spilzberg,
le Voyage aux Pyrénées de M. Taine, et ces Guides sans nombre qui
prennent le touriste par la main sur les bords de la Seine et l'accompa-
gnent à travers l'isthme de Panama, aux rives de l'Orégon ou dans les
placers de l'Australie. La librairie Hachette ne pouvait s'arrêter en si
bonne voie. Depuis le commencement de cette année elle a entrepris le
Tour du Monde.
Le Tour du Monde est à la fois une collection des récits de voyages
les plus récents, traduits de toutes les langues, et un journal des explora-
tions contemporaines. On éprouve en feuilletant ces deux volumes un
saisissement vertigineux. Chaque page est un pont jeté entre les contrées
les plus disparates. On passe avec la rapidité du vol de l'oiseau du sommet
du Gaurisankar, la plus haute montagne du globe, au port de Zanzibar ;
et du milieu des glaces où s'est perdu sir John Franklin, on se trouve
transporté devant un volcan de Java. Car le désordre le plus heureux et
le mieux calculé confond pêle-mêle tous les pays, tous les peuples qui
grelottent ou qui rôtissent sous le soleil. Vienne maintenant le classique
bourgeois du Voyage à Dieppe, on l'entraîne éperdu à travers les déserts,
les pampas, les banquises, les pitons, les lacs, les cataractes et les
océans.
Cette caravane des plus hardis pionniers du monde moderne a pris
pour guide et pour pilote M. Edouard Charton. C'était le sûr moyen
d'arriver au succès. M. Charton, on le sait, est l'heureux fondateur du
Magasin pittoresque, cette encyclopédie populaire qui a inauguré chez
nous l'enseignement par les images. Combien de gens, aveugles volon-
taires , à qui ce livre a appris à voir ! En vendant pour deux sous les
reproductions des chefs-d'œuvre de l'architecture, de la peinture, de
la sculpture, de l'orfèvrerie, en un mot de tous les arts du dessin,
M. Charton a rendu aux beaux-arts un service qu'on peut à peine appré-
cier aujourd'hui. 11 a ouvert à tous ce domaine accessible seulement
jusqu'alors aux deux catégories des riches de la terre, les riches de temps
et les riches d'argent. 11 a fait faire à la gravure sur bois en vingt-cinq