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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 11.1861

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Nr.1
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Lagrange, Léon: Salon de 1861, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17227#0055

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50 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Pour quiconnaîtles joueurs de violon et les joueurs de basse de M. Meis-
sonier, le Joueur de flûte n'est pas un nouveau venu. L'instrument peut
changer, l'homme reste, et, avec l'homme, l'habit. Voilà bien où cet art d'em-
prunt montre le bout de l'oreille. La garde-robe rétrospective de M. Meis-
sonier, si riche qu'on la suppose en défroques d'un autre temps, ne saurait
parer à tout. Examinez la chaussure du Joueur de flûte, ce soulier éculé
dans lequel son pied bat la mesure, et regardez celle du Peintre et des
amateurs qui l'entourent : la même paire a servi à tous les personnages, et
cette précieuse paire a déjà défrayé plus d'un tableau. Pour les perruques,
c'est autre chose : de peur d'en manquer, M. Meissonier en refuse. Les
portraits que certains peintres du dernier siècle nous ont laissés d'eux-
mêmes, en déshabillé d'atelier, les représentent, il est vrai, sans per-
ruque, mais aussi sans cheveux, témoin La Tour dont le crâne est rasé,
témoin Chardin coiffé d'un bonnet ou d'un mouchoir. Le Peintre de
M. Meissonier a gardé ses cheveux aussi bien que le Joueur de flûte. ]Ni
l'un ni l'autre, à moins de renouveler le scandale de Benjamin Franklin,
n'appartiennent au xviip siècle. Nous reprochera-t-on de nous appesantir
sur des vétilles ? À petits tableaux petites critiques. En un art tout de dé-
tail, chaque détail a son importance. M. Meissonier d'ailleurs oppose à
toutes les critiques la perfection de son exécution ; nul mieux que lui ne
compose le tableau, nul n'y déploie de plus savantes qualités de métier.
Son Peintre ne fait pas oublier les Singes amateurs de Decamps, mais il
les rappelle, et pour peu que l'on préfère la perfection d'une réalité illu-
soire à la puissance de vérité d'une fantaisie bien comprise, il peut, jus-
qu'à un certain point, en tenir lieu.

Quand ces maîtres de l'art mignon, laissant là des époques qu'ils con-
naissent plus ou moins bien, abordent la peinture des hommes et des
choses de notre temps, qui nous expliquera pourquoi la magie de leur
art semble les abandonner tout à coup? Ne serait-ce pas parce que nous
voyons nos contemporains de trop près pour nous laisser prendre à une
ressemblance de fantaisie? Avec un chapeau lampion et une culotte courte,
on en impose facilement à qui n'a jamais porté ni l'un ni l'autre. Un cos-
tume soi-disant historique dissimule le mannequin ; sous le costume mo-
derne il se sentira toujours. Il n'est pas nécessaire de porter une robe de
chambre pour savoir quelle allure imprime à ce vêtement la vie de l'indi-
vidu qu'elle habille, et pour s'apercevoir que celle de M. LouisFoidd ne
recouvre rien. Aussi son portrait est-il moins celui de l'homme que celui
de la collection ; l'expression du visage, finement accentuée, décèle bien
l'amateur; mais de toutes les curiosités placées autour de lui, meubles,
coffrets, statuettes, il n'y en a pas une qui ne paraisse douée de plus de
 
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