LES DESSINS DE L'ENFER DU DANTE.
composés est vraiment prodigieux; et, pour les reproduire, il a fait choix
des procédés dont il pouvait attendre une plus large diffusion de son
œuvre. Promptement maître de tous ceux où il s'est essayé, qui n'eût cru
qu'il adopterait, à l'exclusion des autres, le plus fidèle à sa pensée, celui
qui garderait le mieux toute la vivacité de sa fantaisie et le trait même
cle son crayon, sa libre allure et sa délicatesse? La lithographie, l'eau-
forte font rendre au cuivre ou à la pierre tout ce qu'on leur confie; M. Gus-
tave Doré leur a cependant préféré plus d'une fois des procédés défec-
tueux qui ne lui offraient d'autre avantage qne de faciliter le tirage à un
grand nombre d'épreuves; et on l'a vu se passionner pour ces inventions
incomplètes et mal venues sur la valeur desquelles il entretenait l'illusion
par le parti merveilleux qu'il en tirait. Mais habituellement il s'en tient à
-la gravure en bois, art admirable certes, bien fait pour tenter la verve
d'un grand artiste, et de plus, depuis l'invention du clichage, mode de
reproduction presque sans limite. Le livre d'ailleurs et le journal ne sont-
ils pas les plus puissants moyens de propagation, des ailes véritables
pour la pensée? M. Gustave Doré a chargé le journal et le livre de ré-
pandre partout son nom et ses ouvrages, recherchant de préférence ceux
qui s'adressent à tous les âges et qu'on rencontre dans toutes les mains,
heureux surtout d'être parfois le collaborateur de quelqu'une de ces
œuvres rares qui nous ont tous charmés ou instruits, et que chaque géné-
ration transmet à la suivante comme une part de l'héritage commun.
C'était Rabelais hier, aujourd'hui c'est le Dante, ce sera demain Don
Quichotte ou les contes de Perrault1. :
L'illustration, le dessin sur bois, voilà son domaine, qu'il exploite-,
disent les graveurs, ambitieux de travailler pour lui, en maître qui en con-
naît toutes les ressources et qui fait rendre au fonds tout ce qu'il doit
produire; en maître capricieux et tyrannique, disent quelques-uns des
dessinateurs ses confrères, qui use mal de sa chose et en exige même ce
qu'elle ne peut lui donner. Les graveurs, à vrai dire, ne sauraient parler
d'une manière tout à fait impartiale de l'homme qui leur inspire une plus
haute estime de leur art, et qui, dans une intime collaboration, fait d'eux
tour à tour des dessinateurs et des coloristes. De son côté, M. Gustave
Doré, quand on entreprend de comparer devant lui ses propres dessins
avec les gravures qui les reproduisent, soutient avec plus de vivacité
que personne le mérite de celles-ci; mais, lui aussi, je le soupçonne
d'avoir quelque secret motif pour accepter de si bonne grâce des traduc-
1. Ces deux derniers ouvrages, dont M. Ilefzel préparc l'édition, sont à présent fort
avancés, et ajouteront, je n'en doute pas, quelque chose encore à la répuiation de
l'artiste.
composés est vraiment prodigieux; et, pour les reproduire, il a fait choix
des procédés dont il pouvait attendre une plus large diffusion de son
œuvre. Promptement maître de tous ceux où il s'est essayé, qui n'eût cru
qu'il adopterait, à l'exclusion des autres, le plus fidèle à sa pensée, celui
qui garderait le mieux toute la vivacité de sa fantaisie et le trait même
cle son crayon, sa libre allure et sa délicatesse? La lithographie, l'eau-
forte font rendre au cuivre ou à la pierre tout ce qu'on leur confie; M. Gus-
tave Doré leur a cependant préféré plus d'une fois des procédés défec-
tueux qui ne lui offraient d'autre avantage qne de faciliter le tirage à un
grand nombre d'épreuves; et on l'a vu se passionner pour ces inventions
incomplètes et mal venues sur la valeur desquelles il entretenait l'illusion
par le parti merveilleux qu'il en tirait. Mais habituellement il s'en tient à
-la gravure en bois, art admirable certes, bien fait pour tenter la verve
d'un grand artiste, et de plus, depuis l'invention du clichage, mode de
reproduction presque sans limite. Le livre d'ailleurs et le journal ne sont-
ils pas les plus puissants moyens de propagation, des ailes véritables
pour la pensée? M. Gustave Doré a chargé le journal et le livre de ré-
pandre partout son nom et ses ouvrages, recherchant de préférence ceux
qui s'adressent à tous les âges et qu'on rencontre dans toutes les mains,
heureux surtout d'être parfois le collaborateur de quelqu'une de ces
œuvres rares qui nous ont tous charmés ou instruits, et que chaque géné-
ration transmet à la suivante comme une part de l'héritage commun.
C'était Rabelais hier, aujourd'hui c'est le Dante, ce sera demain Don
Quichotte ou les contes de Perrault1. :
L'illustration, le dessin sur bois, voilà son domaine, qu'il exploite-,
disent les graveurs, ambitieux de travailler pour lui, en maître qui en con-
naît toutes les ressources et qui fait rendre au fonds tout ce qu'il doit
produire; en maître capricieux et tyrannique, disent quelques-uns des
dessinateurs ses confrères, qui use mal de sa chose et en exige même ce
qu'elle ne peut lui donner. Les graveurs, à vrai dire, ne sauraient parler
d'une manière tout à fait impartiale de l'homme qui leur inspire une plus
haute estime de leur art, et qui, dans une intime collaboration, fait d'eux
tour à tour des dessinateurs et des coloristes. De son côté, M. Gustave
Doré, quand on entreprend de comparer devant lui ses propres dessins
avec les gravures qui les reproduisent, soutient avec plus de vivacité
que personne le mérite de celles-ci; mais, lui aussi, je le soupçonne
d'avoir quelque secret motif pour accepter de si bonne grâce des traduc-
1. Ces deux derniers ouvrages, dont M. Ilefzel préparc l'édition, sont à présent fort
avancés, et ajouteront, je n'en doute pas, quelque chose encore à la répuiation de
l'artiste.