/](,0 GAZETTE DES BEAUX -ARTS.
Non-seulement elle sera dégagée des deux côtés, mais le lourd escalier moderne qui
conduisait à sa triple entrée, renversé depuis plusieurs années déjà, sera avant peu
reconstruit dans le style de l'édifice1. 11 est envoie d'achèvement, et, sinon pariait, au
moins d'un ensemble qui ne choque point les regards et qui ne fait pas trop de torl
aux grandes lignes des tours auxquelles il sert de piédestal.
Cependant, puisque le plan conçu par l'auteur du monument existe, il fallait le
suivre avec d'autant plus de scrupule qu'on voulait montrer de respect et de goût.
Mais quel artiste peut s'effacer à ce point de n'être que l'exécuteur des idées d'autrui?
Ce n'est pas seulement à l'extérieur que l'on complète la collégiale de Bruxelles.
Déjà, il y a longtemps, on avait placé derrière le chœur des vitraux dont les dessins
sont de M. Navez. Aujourd'hui, des verrières nouvelles, exécutées par M. J.-B. Capron-
nier, un des plus habiles peintres verriers de notre temps, attirent à bon droit l'atten-
tion des artistes et des critiques du pays, en attendant que leur renommée éveille l'in-
térêt des étrangers.
M. Capronnier, chargé de la décoration "des croisées, y représentera l'histoire du
saint-sacrement des miracles. Cette histoire du saint-sacrement est une longue légende
brabançonne. Voici le fait, sans détails inutiles :
Un ciboire contenant des hosties sacrées, volé par Jean de Louvain, juif renégat, à
l'instigation d'un autre juif, nommé Jonathas, fut apporté a Bruxelles par la veuve de
ce dernier, que « des génies » avaient puni en l'assassinant. Ses coreligionnaires, à
qui la veuve livra le ciboire, s'empressèrent, pour plaire au Dieu d'Israël, de percer a
coups de poignard les saintes espèces qui contenaient le Verbe chrétien. Ce jeu sacri-
lège fit, à ce qu'il parait, jaillir des hosties du sang véritable. Les audacieux incrédules,
craignant que le crime fût découvert, et effrayés des suites qu'il pouvait avoir, payèrent
une femme, nomméa Catherine, ex-israéliste convertie au christianisme, pour emporter
le ciboire et les débris d'hosties à Cologne. Des scrupules de conscience poussèrent
cette Catherine chez le prêtre qui l'avait convertie; les juifs, arrêtés, furent jugés, tor-
turés. Forcés par la douleur, dit la très-naïve légende, quelques-uns confessèrent leur
crime et nommèrent leurs complices; d'autres, « malgré le grand supplice qu'ils souf-
fraient, continuèrent à se dire innocents. » On n'est pas plus scélérat : aussi furent-ils
condamnés à mort et exécutés.
Telle est, grosso modo, la légende dont M. Capronnier doit tirer quatorze sujets
qui orneront les croisées de l'église des Saints-Michel-et-Gudule, où les débris des hos-
ties lacérées sont conservés.
Trois vitraux sont placés, trois autres s'exécutent; ce travail important se fera sans
doute sans interruption, les donateurs ne manquant pas plus en Belgique à notre
époque qu'au x\c siècle, lorsqu'il s'agit de décorer les églises. De sorte que bientôt la
collégiale aura fait peau neuve, et acquis une valeur considérable, par cela seul que
peu d'édifices du moyen âge ont été achevés, soit dans le temps où on les a com-
mencés, soit dans les temps modernes.
Les trois premiers vitraux de M. Capronnier font bien augurer du grand travail
qu'il a entrepris. Us représentent : — le premier, la veuve de Jonathas remettant aux juifs
de Bruxelles le ciboire volé par Jean de Louvain; à droite et à gauche sont les patrons
de la donatrice, feu madame Van Thiegem, saint François et sainte Mélanie; — le second,
offert par M. le doyen de Sainte-Gudule, M.Werhonstraeten : le percement des hosties,
avec les patrons saint Louis et saint Joseph de chaque côté, et, dessous, saint .Michel et
sainte Gudule; — le troisième: les juifs remettant le ciboire à Catherine, et, en pendants
Non-seulement elle sera dégagée des deux côtés, mais le lourd escalier moderne qui
conduisait à sa triple entrée, renversé depuis plusieurs années déjà, sera avant peu
reconstruit dans le style de l'édifice1. 11 est envoie d'achèvement, et, sinon pariait, au
moins d'un ensemble qui ne choque point les regards et qui ne fait pas trop de torl
aux grandes lignes des tours auxquelles il sert de piédestal.
Cependant, puisque le plan conçu par l'auteur du monument existe, il fallait le
suivre avec d'autant plus de scrupule qu'on voulait montrer de respect et de goût.
Mais quel artiste peut s'effacer à ce point de n'être que l'exécuteur des idées d'autrui?
Ce n'est pas seulement à l'extérieur que l'on complète la collégiale de Bruxelles.
Déjà, il y a longtemps, on avait placé derrière le chœur des vitraux dont les dessins
sont de M. Navez. Aujourd'hui, des verrières nouvelles, exécutées par M. J.-B. Capron-
nier, un des plus habiles peintres verriers de notre temps, attirent à bon droit l'atten-
tion des artistes et des critiques du pays, en attendant que leur renommée éveille l'in-
térêt des étrangers.
M. Capronnier, chargé de la décoration "des croisées, y représentera l'histoire du
saint-sacrement des miracles. Cette histoire du saint-sacrement est une longue légende
brabançonne. Voici le fait, sans détails inutiles :
Un ciboire contenant des hosties sacrées, volé par Jean de Louvain, juif renégat, à
l'instigation d'un autre juif, nommé Jonathas, fut apporté a Bruxelles par la veuve de
ce dernier, que « des génies » avaient puni en l'assassinant. Ses coreligionnaires, à
qui la veuve livra le ciboire, s'empressèrent, pour plaire au Dieu d'Israël, de percer a
coups de poignard les saintes espèces qui contenaient le Verbe chrétien. Ce jeu sacri-
lège fit, à ce qu'il parait, jaillir des hosties du sang véritable. Les audacieux incrédules,
craignant que le crime fût découvert, et effrayés des suites qu'il pouvait avoir, payèrent
une femme, nomméa Catherine, ex-israéliste convertie au christianisme, pour emporter
le ciboire et les débris d'hosties à Cologne. Des scrupules de conscience poussèrent
cette Catherine chez le prêtre qui l'avait convertie; les juifs, arrêtés, furent jugés, tor-
turés. Forcés par la douleur, dit la très-naïve légende, quelques-uns confessèrent leur
crime et nommèrent leurs complices; d'autres, « malgré le grand supplice qu'ils souf-
fraient, continuèrent à se dire innocents. » On n'est pas plus scélérat : aussi furent-ils
condamnés à mort et exécutés.
Telle est, grosso modo, la légende dont M. Capronnier doit tirer quatorze sujets
qui orneront les croisées de l'église des Saints-Michel-et-Gudule, où les débris des hos-
ties lacérées sont conservés.
Trois vitraux sont placés, trois autres s'exécutent; ce travail important se fera sans
doute sans interruption, les donateurs ne manquant pas plus en Belgique à notre
époque qu'au x\c siècle, lorsqu'il s'agit de décorer les églises. De sorte que bientôt la
collégiale aura fait peau neuve, et acquis une valeur considérable, par cela seul que
peu d'édifices du moyen âge ont été achevés, soit dans le temps où on les a com-
mencés, soit dans les temps modernes.
Les trois premiers vitraux de M. Capronnier font bien augurer du grand travail
qu'il a entrepris. Us représentent : — le premier, la veuve de Jonathas remettant aux juifs
de Bruxelles le ciboire volé par Jean de Louvain; à droite et à gauche sont les patrons
de la donatrice, feu madame Van Thiegem, saint François et sainte Mélanie; — le second,
offert par M. le doyen de Sainte-Gudule, M.Werhonstraeten : le percement des hosties,
avec les patrons saint Louis et saint Joseph de chaque côté, et, dessous, saint .Michel et
sainte Gudule; — le troisième: les juifs remettant le ciboire à Catherine, et, en pendants