Overview
Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 14.1863

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Blanc, Charles: "La vierge à la chaise", de Raphael, gravée par Calmatta: gravures
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.17333#0391

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
380

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

leurs contours, et Raphaël ne s'est départi de cette habitude que sur la fin de sa vie,
par exemple dans la Madone de Saint-Sixte, que nous avons vue à Dresde, et dont
quelques parties sont peintes comme un pastel du Corrège. Les travaux employés par
M. Calamatta dans sa nouvelle estampe sont à peu près les mômes, disons-nous, que
ceux de la Jocondc. La morbidesse des carnations est rendue parce mélange de lignes
brisées et de points ronds et noirs, dont le chapelet exprime le tendre d'une chair
d'enfant, le moelleux du tissu cellulaire, et pour ainsi dire le coton de l'épidémie. Une
entretaille, formée de traits plus légers et de points inégaux, vient amortir encore
ce premier travail, qui en devient plus doux et plus gras. Par opposition, le dossier
de la chaise où la Vierge est assise a été brillamment coupé d'un burin net et hardi,
de manière à faire valoir par une surface polie et reluisante le ton endormi de la peau
nue, la souplesse des pieds, la douceur des mains.

Il y a dans la planche de Desnoyers, d'ailleurs excellente aussi, un défaut qu'a su
éviter M. Calamatta. La robe de la Vierge, sur laquelle se détachent les pieds nus de
l'enfant, est tellement noire qu'elle fait un trou dans l'estampe, de sorte que la partie
éclairée de la jambe n'est plus liée avec la partie obscure. Au lieu que la robe soit
sur un plan plus avancé que le fond, comme cela doit être, c'est le fond qui avance,
et ce léger défaut ne laisse pas de déparer un peu une estampe qui, à sa manière, est
fort belle.

M. Calamatta, en s'abstenant de creuser un noir aussi profond, a donné a sa gra-
vure plus de vraisemblance et d'harmonie. Celle de Desnoyers, au surplus, est aujour-
d'hui bien fatiguée, et l'on peut dire que le tirage des belles épreuves en est épuisé
depuis longtemps. C'était donc rendre un service aux arts que de populariser une fois
encore un chef-d'œuvre qui avait besoin d'être rajeuni par une nouvelle eslampe, et
qui, malgré les soins pieux qu'en prennent les conservateurs de la galerie Pitti — le
tableau est sous glace — pourrait bien ne plus exister, d'ici à un siècle, qu'à l'état
de fanlôme. Bien souvent les graveurs se demandent à quoi employer leur talent : on
les voit hésiter à recommencer les estampes déjà faites, à s'attacher aux peintures
déjà connues, aux morceaux déjà célèbres. Eh bien, qu'ils suivent le noble exemple que
leurdonne M. Calamatta; qu'ils en reviennent toujours aux chefs-d'œuvre consacrés, sans
craindre de tomber dans les redites et de lasser l'admiration des hommes. Il y a des
poèmes qu'il faut traduire sans cesse, parce qu'ils renferment une beauté multiple,
variée, infinie, une beauté qui se renouvelle de siècle en siècle, et qui, répondant aux
diverses aspirations de l'âme humaine, est à la fois éternelle comme l'humanité et
variable comme elle. De ce nombre sont les peintures qui nous restent de l'antiquité,
les Prophètes et les Sibylles do Michel-Ange, son Jugement dernier et ses terribles
dessins; puis tous les ouvrages de Léonard de Vinci, et enfin, sans parler des Loges
et des Chambres du Vatican, toutes les Vierges de Raphaël.

CHARLES BLANC.
 
Annotationen