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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 14.1863

DOI issue:
Nr. 6
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Mantz, Paul: Salon de 1863, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17333#0495

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

A la place des aristocraties qui se disputaient fièrement l'applaudis-
sement public, et qui, il faut le dire, ne l'ont jamais pleinement obtenu,
s'installe avec sérénité une foule un peu banale de talents bourgeois
qui se plaisent aux températures attiédies, et qui craignent avant tout
de s'isoler sur les hautes cimes ou de s'égarer au fond des vallées
désertes. Les Florentins des temps glorieux, les Vénitiens en leurs
jours dorés, et les Hollandais eux-mêmes, à l'heure où Rembrandt leur
montrait le chemin, professaient cette théorie qu'un peu d'exagération et
de parti pris ne messied pas aux créations de l'art. Ils cherchaient la
beauté, la couleur, le caractère avant de chercher la sagesse vulgaire et
les combinaisons modérées, et ces grands esprits, ces grandes âmes,
conduisant les foules au lieu de se laisser conduire par elles, allaient
volontiers aux extrêmes. « Encore un peu plus outre, » disait le vieux
Corneille; mais personne aujourd'hui n'entend plus ce fier langage. Les
artistes, les critiques, le public, tout le monde se trouve d'accord pour
répudier les libres audaces qui ont fait à l'art d'autrefois de si belles
journées. Et peu à peu l'école va s'endormant dans un éclectisme sans
saveur, et elle ne s'aperçoit pas que le sommeil n'est bon qu'à la condition
de n'être pas éternel, et qu'alors que, le matin venu, il permet à chacun
de s'affirmer dans ses forces réparées, dans son activité reconquise.

Cette somnolence nous inquiète. Sans être encore le laudator tempo-
ris acti dont parle Horace, nous regrettons les agitations intellectuelles du
passé, car elles accusaient, dans l'art moderne, la persistance de la vie.
Beaucoup, qui sont partis avec nous, se sont arrêtés au milieu du voyage,
quelques-uns sont retournés en arrière, et, chose grave, les plus actives
vigies ne signalent à l'horizon aucun génie jeune et nouveau. On peut
prévoir le temps où les quelques glorieuses personnalités qui nous restent
encore ayant disparu, l'école, décapitée de ses chefs actuels, n'aura plus
pour représentants que des talents moyens, sans défauts saillants, mais
aussi sans virilité et sans auréole. Ce jour semble venu déjà : le Salon
de 1863, autant du moins qu'on peut le juger sous l'impression mé-
lancolique d'un premier examen, dont une plus patiente étude atténuera
peut-être la rigueur, le Salon ne présente rien d'imprévu, rien de
vivace, rien d'excessif. Aucune éclosion nouvelle, le lecteur doit en
être averti d'avance, ne se manifeste à la curiosité des chercheurs ;
nulle singularité ne se révèle. Les hommes de bon sens, habiles à gérer
leur inspiration, ont remplacé les romanesques qui, vivant dans le rêve,
dépensaient jadis sans compter ; le temps des aventures est passé.
Notre promenade au Salon sera donc comme un voyage dans ces grandes
plaines de la Beauce, qui sont chères aux économistes parce qu'elles pro-
 
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