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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pas venu de reprendre et d’exécuter l’idée émise il y a quelque temps
déjà, et chacun en son sens, par M. Olivier Merson et par M. Clément de
Ris, je veux dire leur souhait de voir organiser, à Paris, une exposition
générale des curiosités d’art de la province : peintures, sculptures, anti-
quités, toute la fine fleur enfin des expositions régionales?
Les expositions régionales ont été une révélation; c’est elles, et non
ce Kensington dont on nous a tant fatigué les oreilles, qui doivent être le
point de départ logique d’une telle solennité. Ne songeons plus, s’il vous
plaît, jamais plus à Kensington1. Notre Kensington, à nous, il est partout;
les Parisiens en jouissent depuis assez longtemps; il est à tous les étages
du Louvre, il est à Clunv, il est au Musée d’artillerie, il est dans les mou-
lages de l’École des Beaux-Arts. Ne nous laissons pas à ce point duper
par les Anglais et leurs impuissantes rubriques. Point tant d’apprentissage
systématique ; tant que nous aurons les grands arts, nous aurons les pe-
tits; le diapason de nos arts industriels sera toujours aux expositions des
Champs-Elysées. Le prix de 100,000 francs, consacré à la grande pein-
ture, fera plus pour les bijoutiers de Paris que cent mille médailles ac-
cordées à leurs coopérateurs. Ne comptez pas pour le perfectionnement
du goût sur les mémoires des archéologues et leur zèle à chercher des
noms de potiers, d’émailleurs ou de huchiers. Combien, dans toute la
France, comptons-nous d’archéologues qui portent vraiment en eux le
sentiment des arts? Quand nous serons à dix, nous ferons une croix.
Dans cet article, M. de Chennevières a exprimé un grand nombre d’idées neuves
et excellentes dont nous appelons, de tous nos vœux, la réalisation. On ne peut douter
que la création de musées et d’expositions en province, que le développement de ces
musées dans le sens de l’histoire locale, que la publication de l’inventaire général de
nos richesses d’art ne soient de puissants moyens de répandre et d’épurer le goût des
arts en France. Mais pourquoi M. de Chennevières ne veut-il pas que nous nous
préoccupions sérieusement du département de Kensington qui répond en Angleterre à
tous ces besoins? Nos écoles de dessin et nos musées datent de loin, et notre solage,
dit-il, est bon; nous n’avons donc pas à nous inquiéter d’efforts tous récents. Mais
l’Italie n’a-t-elle pas eu aussi un solage excellent, et cependant où en sont actuelle-
ment les arts en Italie? Non, ne nous laissons pas endormir par une aveugle confiance
dans notre avance; aux tentatives faites pour nous dépasser, opposons une volonté
ferme, inébranlable, d’apprendre, pour conserver un sceptre que nous tenons encore.
La Gazette des Beaux-Arts a été la première à signaler les progrès accomplis en
Angleterre par les écoles groupées autour du musée Kensington, progrès constatés
depuis et d’une manière irrécusable, par le jury de 1862 ; elle ne faillira pas à son devoir
d’informer ses lecteurs de tout ce qui se passe en Europe, et prochainement elle fera
connaître les institutions puissantes fondées en Allemagne et notamment à Vienne,
pour former des dessinateurs supérieurs aux nôtres dans les arts décoratifs.
[Note du Directeur.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pas venu de reprendre et d’exécuter l’idée émise il y a quelque temps
déjà, et chacun en son sens, par M. Olivier Merson et par M. Clément de
Ris, je veux dire leur souhait de voir organiser, à Paris, une exposition
générale des curiosités d’art de la province : peintures, sculptures, anti-
quités, toute la fine fleur enfin des expositions régionales?
Les expositions régionales ont été une révélation; c’est elles, et non
ce Kensington dont on nous a tant fatigué les oreilles, qui doivent être le
point de départ logique d’une telle solennité. Ne songeons plus, s’il vous
plaît, jamais plus à Kensington1. Notre Kensington, à nous, il est partout;
les Parisiens en jouissent depuis assez longtemps; il est à tous les étages
du Louvre, il est à Clunv, il est au Musée d’artillerie, il est dans les mou-
lages de l’École des Beaux-Arts. Ne nous laissons pas à ce point duper
par les Anglais et leurs impuissantes rubriques. Point tant d’apprentissage
systématique ; tant que nous aurons les grands arts, nous aurons les pe-
tits; le diapason de nos arts industriels sera toujours aux expositions des
Champs-Elysées. Le prix de 100,000 francs, consacré à la grande pein-
ture, fera plus pour les bijoutiers de Paris que cent mille médailles ac-
cordées à leurs coopérateurs. Ne comptez pas pour le perfectionnement
du goût sur les mémoires des archéologues et leur zèle à chercher des
noms de potiers, d’émailleurs ou de huchiers. Combien, dans toute la
France, comptons-nous d’archéologues qui portent vraiment en eux le
sentiment des arts? Quand nous serons à dix, nous ferons une croix.
Dans cet article, M. de Chennevières a exprimé un grand nombre d’idées neuves
et excellentes dont nous appelons, de tous nos vœux, la réalisation. On ne peut douter
que la création de musées et d’expositions en province, que le développement de ces
musées dans le sens de l’histoire locale, que la publication de l’inventaire général de
nos richesses d’art ne soient de puissants moyens de répandre et d’épurer le goût des
arts en France. Mais pourquoi M. de Chennevières ne veut-il pas que nous nous
préoccupions sérieusement du département de Kensington qui répond en Angleterre à
tous ces besoins? Nos écoles de dessin et nos musées datent de loin, et notre solage,
dit-il, est bon; nous n’avons donc pas à nous inquiéter d’efforts tous récents. Mais
l’Italie n’a-t-elle pas eu aussi un solage excellent, et cependant où en sont actuelle-
ment les arts en Italie? Non, ne nous laissons pas endormir par une aveugle confiance
dans notre avance; aux tentatives faites pour nous dépasser, opposons une volonté
ferme, inébranlable, d’apprendre, pour conserver un sceptre que nous tenons encore.
La Gazette des Beaux-Arts a été la première à signaler les progrès accomplis en
Angleterre par les écoles groupées autour du musée Kensington, progrès constatés
depuis et d’une manière irrécusable, par le jury de 1862 ; elle ne faillira pas à son devoir
d’informer ses lecteurs de tout ce qui se passe en Europe, et prochainement elle fera
connaître les institutions puissantes fondées en Allemagne et notamment à Vienne,
pour former des dessinateurs supérieurs aux nôtres dans les arts décoratifs.
[Note du Directeur.)