Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 18.1865

DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:
Goncourt, Edmond de; Goncourt, Jules de: Fragonard, [2]
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.18742#0149

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
FRAGONARD.

139

les oncles vaporeuses qui roulent, se brisent en cascades, en gouttelettes
de perles et d’éclairs 1 !

De ces beaux songes, l’imagination de Fragonard s’élève à de mira-
culeuses visions, à des tableaux de ravissement et de suavité brûlante, à
une sorte d’extase 2. 11 y a de lui des adorations de la passion presque
mystiques de flamme et d’élan. Çà et là, dans un coin de son œuvre,
dans un jour tendre, se dressent des autels Au Premier Baiser} où le
sang d’une colombe aux ailes déchirées a le symbolisme d’un doux
crucifiement, d’un culte au Sacré Cœur, au Cœur sanglant de l’Amour.
La rosée d’une blessure divine s’égoutte sur des calices de fleurs, des
carquois, des couronnes, des guirlandes dénouées; partout ce sont des
ailes et des pétales de roses. Poussée, presque soulevée et détachée de
terre par de petits amours qui s’essayent à la porter et jouent sous elle
dans la transparence de ses voiles, une femme s’avance entre deux
rayons, deux rampes de jour montant devant elle, et sur lesquelles
tremblent. des vols d’amours dans des immobilités frémissantes. Elle
sourit, elle faiblit, et comme accablée sous la caresse de la lumière, elle
laisse échapper une rose à laquelle un génie ailé met le feu avec sa
torche : c’est le Sacrifice cle la Ilose 3, — un souffle de sainte Thérèse
dans une image de Parny !

Et comme sa pensée, la palette de Fragonard s’enflamme. Elle
s’allume à ces autels brûlants. Elle flambe dans la lumière d’apothéose
dont il entoure l’Amour, dont il peint le Désir. Quelle vapeur, quel
embrasement dans ses firmaments clairs, ardemment limpides, palpi-
tants de chairs de Cupidons, ruisselants de bouquets d’artifice, trempés
de ces lueurs que les gravures en couleur de Janinet nous montrent
pareilles à des lueurs d’eau dans un incendie4! Ciels de triomphe,
transparents de feu où rougeoient des fumées gorge de pigeon, où
pleuvent des fleurs et des plumes, où la pourpre et l’azur s’embrassent
et se mêlent sur le corps transfiguré des petits anges de la volupté !

L’amour, toujours l’amour! Prenez un peu plus bas le poème du
peintre, juste entre ciel et terre, entre le Rêve cl’Amour et le Serment

\. Le Songe d’Amour, la Fontaine df Amour, gravés a l’aquateinte, par Regnauld.

2. Le Discours sur Vêiat actuel de la peinture en France, '1783, lui reproche «le
« délire de l’imagination. »

3. M. Walferdin possède, de ce sujet, une petite merveille; M. Eudoxe Marcille, un
dessin des plus caressés, des plus achevés qu’ait jamais produits Fragonard. — Il a
été gravé d’après un tableau aujourd’hui inconnu, par Marguerite Gérard.

4. M. Ludoxe Marcille possède la peinture et l’aquarelle d’un de ces sujets gravés
par Janinet : la Folie.
 
Annotationen