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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« différentes occasions le mérite des héros. Rien n’y manque de ce qui
« peut augmenter l’amour qu’on doit avoir pour les belles actions... et
« les grands événements y sont marquez bien plus seurement que dans
« les livres. »
Pour nous, les médailles et monnaies sont avant tout des objets d’art,
et nous avons à considérer ici, non pas leur utilité historique, mais leur
beauté.
Le statuaire Pradier disait un jour à un pensionnaire de notre Académie
à Rome, en lui montrant quelques médailles antiques : Remarquez comme
les extrémités de la figure sont relativement fortes; comme l’œil voit
tout de suite la tête et son caractère, la main et son expression, comme
le personnage pose bien sur ses pieds et conserve ainsi, dans sa petitesse,
une assiette monumentale et un grand, air! Si vous rétablissiez la propor-
tion exacte des membres, la figure ressemblerait à un danseur de corde.
Apprenez à comprendre ces artifices qui font que l’art n’est pas une pure
imitation de la nature; qu’il n’est ni une simple copie ni une réduction
mathématique des choses, mais cette fière interprétation qui arrache l’ar-
tiste à une servilité froide et puérile, et qui témoigne du génie de l’homme,
car elle est la dignité de l’art, elle est le style.
Ainsi parlait ce maître et tout lui donne raison, tout, jusqu’aux termes
dont se sert la numismatique pour exprimer la gravure d’une médaille ou
d’une monnaie. L’impression d’une image quelconque sur une médaille
s’appelle type., et l’emploi de ce mot n’est ici ni indifférent ni de hasard.
Il indique déjà la principale qualité que doit avoir une figure gravée sur
l’or, l’argent ou le bronze, et qu’il y faut imprimer avant tout le caractère
de la vérité typique, ce qui revient à dire qu’il faut l’idéaliser par les ac-
cents de la vie générique, comme toute sculpture.
Sur les médailles les plus anciennes, le type n’est pas encore la tête
humaine : c’est un objet inanimé ou un animal symbolique. Puis, on grave
sur la monnaie l’image d’une divinité; plus tard, l’effigie d’un roi ou
d’une reine. En un mot, le type représente une idée avant de représenter
un dieu, et un dieu avant de représenter un portrait. Ainsi dans les plus
anciennes monnaies grecques, celle des rois incertains de la Macédoine,
qui remontent au sixième siècle avant notre ère, on voit un casque, une
chèvre accroupie, un cheval libre. Vient ensuite un cavalier coiffé du
pétase et armé de deux lances. Depuis le règne d’Alexandre Ier jusqu’à
celui d’Alexandre le Grand, les monnaies macédoniennes ne présentent
aucune tête qui puisse être regardée comme une effigie positive. Sur la
monnaie de Philippe IL père d’Alexandre, c’est encore un Apollon, un
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« différentes occasions le mérite des héros. Rien n’y manque de ce qui
« peut augmenter l’amour qu’on doit avoir pour les belles actions... et
« les grands événements y sont marquez bien plus seurement que dans
« les livres. »
Pour nous, les médailles et monnaies sont avant tout des objets d’art,
et nous avons à considérer ici, non pas leur utilité historique, mais leur
beauté.
Le statuaire Pradier disait un jour à un pensionnaire de notre Académie
à Rome, en lui montrant quelques médailles antiques : Remarquez comme
les extrémités de la figure sont relativement fortes; comme l’œil voit
tout de suite la tête et son caractère, la main et son expression, comme
le personnage pose bien sur ses pieds et conserve ainsi, dans sa petitesse,
une assiette monumentale et un grand, air! Si vous rétablissiez la propor-
tion exacte des membres, la figure ressemblerait à un danseur de corde.
Apprenez à comprendre ces artifices qui font que l’art n’est pas une pure
imitation de la nature; qu’il n’est ni une simple copie ni une réduction
mathématique des choses, mais cette fière interprétation qui arrache l’ar-
tiste à une servilité froide et puérile, et qui témoigne du génie de l’homme,
car elle est la dignité de l’art, elle est le style.
Ainsi parlait ce maître et tout lui donne raison, tout, jusqu’aux termes
dont se sert la numismatique pour exprimer la gravure d’une médaille ou
d’une monnaie. L’impression d’une image quelconque sur une médaille
s’appelle type., et l’emploi de ce mot n’est ici ni indifférent ni de hasard.
Il indique déjà la principale qualité que doit avoir une figure gravée sur
l’or, l’argent ou le bronze, et qu’il y faut imprimer avant tout le caractère
de la vérité typique, ce qui revient à dire qu’il faut l’idéaliser par les ac-
cents de la vie générique, comme toute sculpture.
Sur les médailles les plus anciennes, le type n’est pas encore la tête
humaine : c’est un objet inanimé ou un animal symbolique. Puis, on grave
sur la monnaie l’image d’une divinité; plus tard, l’effigie d’un roi ou
d’une reine. En un mot, le type représente une idée avant de représenter
un dieu, et un dieu avant de représenter un portrait. Ainsi dans les plus
anciennes monnaies grecques, celle des rois incertains de la Macédoine,
qui remontent au sixième siècle avant notre ère, on voit un casque, une
chèvre accroupie, un cheval libre. Vient ensuite un cavalier coiffé du
pétase et armé de deux lances. Depuis le règne d’Alexandre Ier jusqu’à
celui d’Alexandre le Grand, les monnaies macédoniennes ne présentent
aucune tête qui puisse être regardée comme une effigie positive. Sur la
monnaie de Philippe IL père d’Alexandre, c’est encore un Apollon, un