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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
l'œuvre de certains artistes depuis 1855. De là aussi des médailles
accordées par l'ensemble des jurys étrangers à des artistes de talent,
mais qui ne se rattachent à l'école anglaise ni par les liens de la natio-
nalité, ni par ceux de la tradition.
Ces médailles, que nous n'avons point à discuter, ont d'autant plus
surpris ici, que l'on pensait qu'en se désintéressant des concours pour
les médailles d'honneur le jury anglais se retirait complètement de la
lutte. Mais ce jury était formé de trois gentlemen, sans un'seul artiste
ou un seul écrivain ! Cette conduite eût été d'autant plus digne et
d'autant plus logique, que ce déplorable système des récompenses n'est
point en vigueur en Angleterre. Si on expose, c'est pour solliciter le libre
jugement du public, la critique, les achats, mais non pas pour provo-
quer la décision toujours discutable d'un jury que la majorité vous
impose et que votre indépendance récuse, d'un jury qui, composé
d'artistes, d'amateurs ou de personnages de l'administration, repré-
sentera forcément toujours un système préconçu d'esthétique. Ici, ce qui
vous classe, c'est la discussion dans les journaux, dans les clubs, dans les
ateliers, mais non pas cette boule blanche ou cette boule noire anonyme
qui vous fait à son gré ou monter d'un cran ou descendre d'un degré.
De là, j'en ai la certitude, des engouements de la foule moins irréfléchis,
des faveurs publiques moins criantes, et chez les artistes un entraîne-
ment moins vif à pasticher les succès du Salon précédent, plus de cor-
dialité dans les réunions entre camarades, plus de hauteur dans les rap-
ports avec l'autorité. Ajoutons ou répétons que les exhibitions anglaises
n'ont point un caractère administratif et que le gouvernement n'a de rap-
ports avec les artistes que lorsqu'il a des travaux décoratifs à distribuer.
La Royal Academy n'est guère que la plus importante des associations
d'art de l'Angleterre. Les concessions qu'elle a faites l'an dernier à pro-
pos du nombre et des attributions plus larges des « associâtes » mon-
trent combien elle est soumise à la pression de l'opinion publique. Une
des principales faveurs gouvernementales à son égard est d'accorder le
« sir » à son directeur. C'est ce que sir Edwin Landseer a obtenu depuis
l'an dernier.
Les mœurs publiques étant, dans tous les pays et en Angleterre plus
que partout ailleurs, ce qui se modifie le plus lentement, nous espé-
rons que, dans les échanges internationaux provoqués par les expositions
universelles, l'Angleterre se gardera bien d'emprunter à la France son
système de médailles. Mais, elle en convient franchement elle-même,
elle a quelque peu à prendre, en fait d'art, à la France et à la Belgique. Son
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
l'œuvre de certains artistes depuis 1855. De là aussi des médailles
accordées par l'ensemble des jurys étrangers à des artistes de talent,
mais qui ne se rattachent à l'école anglaise ni par les liens de la natio-
nalité, ni par ceux de la tradition.
Ces médailles, que nous n'avons point à discuter, ont d'autant plus
surpris ici, que l'on pensait qu'en se désintéressant des concours pour
les médailles d'honneur le jury anglais se retirait complètement de la
lutte. Mais ce jury était formé de trois gentlemen, sans un'seul artiste
ou un seul écrivain ! Cette conduite eût été d'autant plus digne et
d'autant plus logique, que ce déplorable système des récompenses n'est
point en vigueur en Angleterre. Si on expose, c'est pour solliciter le libre
jugement du public, la critique, les achats, mais non pas pour provo-
quer la décision toujours discutable d'un jury que la majorité vous
impose et que votre indépendance récuse, d'un jury qui, composé
d'artistes, d'amateurs ou de personnages de l'administration, repré-
sentera forcément toujours un système préconçu d'esthétique. Ici, ce qui
vous classe, c'est la discussion dans les journaux, dans les clubs, dans les
ateliers, mais non pas cette boule blanche ou cette boule noire anonyme
qui vous fait à son gré ou monter d'un cran ou descendre d'un degré.
De là, j'en ai la certitude, des engouements de la foule moins irréfléchis,
des faveurs publiques moins criantes, et chez les artistes un entraîne-
ment moins vif à pasticher les succès du Salon précédent, plus de cor-
dialité dans les réunions entre camarades, plus de hauteur dans les rap-
ports avec l'autorité. Ajoutons ou répétons que les exhibitions anglaises
n'ont point un caractère administratif et que le gouvernement n'a de rap-
ports avec les artistes que lorsqu'il a des travaux décoratifs à distribuer.
La Royal Academy n'est guère que la plus importante des associations
d'art de l'Angleterre. Les concessions qu'elle a faites l'an dernier à pro-
pos du nombre et des attributions plus larges des « associâtes » mon-
trent combien elle est soumise à la pression de l'opinion publique. Une
des principales faveurs gouvernementales à son égard est d'accorder le
« sir » à son directeur. C'est ce que sir Edwin Landseer a obtenu depuis
l'an dernier.
Les mœurs publiques étant, dans tous les pays et en Angleterre plus
que partout ailleurs, ce qui se modifie le plus lentement, nous espé-
rons que, dans les échanges internationaux provoqués par les expositions
universelles, l'Angleterre se gardera bien d'emprunter à la France son
système de médailles. Mais, elle en convient franchement elle-même,
elle a quelque peu à prendre, en fait d'art, à la France et à la Belgique. Son