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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 1
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0064

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

se piétine sur les marches de l’escalier, et l’on arrive à la sculpture en
répétant ces mots, lus dans tous les journaux du boulevard : « Les pein-
tres sont faibles, cette année. Heureusement que notre sculpture est la
plus forte du monde. » Il est entendu que notre statuaire ne laisse rien
à désirer; le public du vendredi le proclame; le public du dimanche en
est convaincu et l’on admire tout de confiance.

Eh bien! je le dirai comme je le pense, voilà un jugement d’une sin-
gulière exagération. Nous avons des sculpteurs habiles, plus nombreux
sans conteste, et plus brillants que leurs émules des autres pays, mais
ne nous en tenons pas aux surfaces. On citera quelques très belles œuvres
écloses en ces dernières années : la Jeanne d’Arc de M. Emmanuel Fre-
miet, dressée place des Pyramides; le Gloria Victis de M. Antonin Mercié,
au square Montholon; la Jeunesse apportant une palme au monument
d’Henri Régnault, de M. Ghapu, à l’École des beaux-arts; le Saint Vin-
rent de Paul de M. Ealguière, au Panthéon; le Saint Jean le Précurseur
de M. liodin, au musée du Luxembourg; le bas-relief Mirabeau répon-
dant à M. de Dreux-Brézé de M. Halou, destiné à la Chambre des députés ;
les bustes de Mgr Darboy, d’Ingres et de Buloz, sculptés par M. Guil-
laume... Peu importe! Je défie qu’on nous montre quelque suite dans les
pensées de l’école, prise en sa masse, et quelque unité dans les tendances.
La division est extrême et l’indécision pire encore. L’un se souvient
vaguement de Phidias, l’autre de Donatello ou de Michel-Ange. Celui-ci
estime que le nu est seul digne de la sculpture; celui-là pense qu'on doit
s’attaquer au costume moderne ; cet autre cherche des sujets littéraires et
qui puissent piquer la curiosité. Voyez des nymphes à droite; voyez des
paysannes à gauche. Les nymphes ne sont plus tout à fait classiques,
les paysannes ne sont pas encore vraies. Où va-t-on et que poursuit-on?
On poursuit la vérité, mais on ne sait à quelle forme de vérité la sta-
tuaire est propre. On va au réel, mais on se demande dans quelle me-
sure le marbre et le bronze peuvent s’accommoder des scènes de notre
vie. Le moyen âge sculptait dans les cathédrales, les châteaux, les abbayes
et même les maisons des épisodes civils, religieux ou militaires, les
travaux de chaque métier, jusqu’à l’existence de tous les jours. On aspire
à reconquérir cette liberté, et, d’instinct, on s’apprête à revenir à l’usage
du bas-relief, genre convenable, par excellence, à l’interprétation des
groupes de figures vêtues et en action. Mais, d’autre part, on n’est pas se-
condé par les architectes, et c’est un fait que la statuaire se développe d’au-
tant plus heureusement qu’elle entre plus en concours avec l’architecture.

L’architecte du xive siècle faisait toujours une large place au sculpteur
dans tous les édifices qu’il élevait; celui du xix6 fait à peine une place à
 
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