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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Lostalot, Alfred de: L' exposition de Turin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0108

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

d’un poignard, par M. G. Ginotti, beau morceau de marbre d’un travail
accompli ; Anacréon meurt ! de M. E. Mancini, figure assise du poète au
moment où il passe, sans transition, de l’ivresse à la mort. Puis, dans les
sujets familiers : une excellente figure de Saltimbanque, par M. G. Gas-
barra, et un petit Baigneur frileux de M. Marsili : cet artiste s’inspire
de son compatriote, M. Gemito, dont le talent remarquable eût pu fournir
un appoint considérable à l’Exposition.

Les groupes sont rares, au moins les bons; nous avons noté parmi
ceux-ci la Dernière heure de Missolonghi, par M. B. Giviletti; Y Inonda-
tion à Venise, de M. G. Norfini. Le désastre d’ischia a beaucoup occupé
les sculpteurs italiens; aucun ne s’est élevé à la hauteur du drame. On
regarde beaucoup une statue du roi en costume de ville, debout sur les
ruines de Gasamicciola, par M. A. d’Orsi; mais le moyen d’être ému par
la silhouette d’une redingote et d’un chapeau à haute forme!

Le triomphateur de l’exposition de sculpture est M. D. Sarti. Sous le
titre Esclavage, il exhibe, au milieu d’une des galeries consacrées à la
peinture, la plus importante peut-être, un groupe colossal devant lequel la
foule s’arrête avec émotion. C’est une illustration en plâtre de Y Oncle Tom,
destinée sans doute à quelque musée Tussaud ou Grévin, et qui pour
produire tout son elfet, aura besoin du secours de la peinture. Sur une
sorte d’estrade en pierre, un fauteuil de canne où trône le cruel plan-
teur ; la face convulsée par un ignoble sourire, les lunettes mal assu-
jetties, il contemple sa victime, une jeune esclave attachée, suspendue
presque par la tête à un pilori. A droite, le bourreau, tenant en main le
fouet dont il vient de frapper les premiers coups ; il se retourne vers son
maître pour le consulter du regard; à gauche, un second nègre contenant
à grand’peine deux molosses altérés du sang frais qui dégoutte des bras
et de la poitrine de la suppliciée. Tout ceci grandeur de nature, dans
les conditions d’espace et de liberté qu’aurait le fait réel ; on comprend
l’émotion du public ; on comprend moins le sculpteur, et son habileté
même le fait paraître plus coupable dans cet outrage infligé au grand
art de la statuaire. Le jury des beaux-arts a été mal avisé de réserver en
quelque sorte une place d’honueur à un ouvrage de cette nature. Dans
notre pays, qui n’a vu naître ni Donatello ni Michel-Ange, les portes du
Salon ne se fussent certainement pas ouvertes devant l'Esclavage de
M. Diego Sarti.

ALFRED DE LOSTALOT.
 
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