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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 5
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Renan, Ary: Joseph de Nittis
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0434

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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élégance. » C’est par de semblables œuvres que le luxe se maintient à son
rang dans la peinture, en dépit de la prédominance naturelle ou lactice
des scènes de la vie populaire. Ces dernières semblent, à notre époque,
être plus pittoresques, par la faute de ceux qui traitent les autres. Ceux
qui s’imaginent voir dans le débordement des scènes populaires une in-
dépendance retrouvée ne sauraient pourtant nier que la richesse n’ait
gardé en partie le monopole du grand goût, et qu’elle n’offre parfois au
spectateur désintéressé, pourvu que ce ne soit pas un Diogène hargneux,
un bouquet de couleurs qui valent bien celles qu’on allait chercher jadis
dans les ghettos et les pouilleries. Le véritable progrès en cette matière,
— et c’est à la critique de le réaliser, — sera de tenir entre Richesse et
Pauvreté la balance égale; on ne méprise déjà plus la serge et la bure;
il faut encore qu’on regarde sans haine et sans envie les opulents cha-
toiements de la mode. De Nittis a profité de son heureuse situation; il a
sagement évité de devenir l’homme-lige d’une coterie pour rester maître
de lui-même et vaquer à ses prédilections.

Félix culpa! La faute, si faute il y eut, est excusée par l’habileté du
métier. Il aima d’abord les ombres découpées du gai soleil et les traduisit
par une facture nette et serrée. Puis il aima les brumes et les fumées de
toute espèce montant dans un ciel troublé, et sa manière s’assouplit.
Surtout, il aima le grand air, au contraire des peintres anglais, et ce qu’ils
tirent de la vie intime, il le tira, lui, de la vie extérieure et agissante.
Voyez la façon particulière dont ses tableaux sont variés. Il a vu, dans
Londres, la colossale manufacture fumeuse, lépreuse et millionnaire,
l’individu petit, le cadre démesuré, et par-dessus tout, l’atmosphère
épaisse et le jour voilé. Même dans un portrait, il choisit sa lumière en
grand amoureux du plein air et des valeurs franches, tout en préférant
les claires, et les chairs nacrées qu’il caresse tendrement du pinceau. La
vérité obtenue par ces moyens sûrs et simples, c’est bien cette vérité que
distillent les œuvres d’art d’un certain genre et qui pénètre l’amateur
au point de le faire crier à l’artiste : « De grâce, n’ajoutez pas une
touche; vous allez tout gâter! »

Cependant, —■ et la réserve n’est pas contradictoire, — les portraits
de De Nittis manquaient parfois de ce caractère qui doit individualiser un
portrait, de ce style variant chaque fois, mais frappant chacune de ces
œuvres d’une empreinte ferme et définitive, du sceau de la ressemblance.
Ce sont d’harmonieux à-peu-près, et il a dû arriver aux personnes dont
l’artiste a fait le portrait d’oublier facilement de s’y reconnaître, et de
n’y plus voir bientôt qu’un caprice de peintre, une piquante figure de
fantaisie.
 
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