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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 32.1885

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Rubens, 14
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https://doi.org/10.11588/diglit.24593#0469

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450

GAZETTE DES DEAUX-AIITS.

changeante ? Sait-on exactement où en était la peinture rurale au
moment où Rubens, devenu propriétaire du château de Steen, com-
mença à se promener dans les prairies?

Son art, en ce genre spécial où les Hollandais triomphaient déjà,
obéit à un principe do tout point contraire à celui dont ses grands
voisins faisaient leur idéal. Rubens n’a d’ailleurs connu que les
initiateurs du paysage néerlandais. Ceux qu’il a vus à l’œuvre, dans
ses rapides excursions de 1627 et de 1631, ce sont les maîtres de la
première heure, les Y an Goyen, les Peter Molyn, les Salomon Ruysdaël,
les ancêtres. Certes, il ne méprisait pas leurs tableaux; il avait dans
sa collection particulière deux Van Goyen, un Simon de Yliegher,
une marine de Porcellis. Mais les Hollandais de la seconde génération,
il n’eut pas, étant mort trop tôt, le temps et le bonheur de les
connaître.

C’est par un autre chemin que Rubens entra dans le paysage. Si
la Hollande ne lui enseigna rien, son propre pays ne lui fut guère
d’un meilleur secours, ou, du moins, il prit si bien le contrepied de
l’enseignement qu’on lui voulait donner qu’il désorganisa hardiment
l’idéal de ses maîtres et de ses amis. 11 oublia très vite les naïves
leçons de Tobias Veraeght, le peintre des tours de Babel et des vues
de montagnes où domine quelquefois la note bleuissante; il ne se
laissa pas guider davantage par son vieux camarade Breughel de
Velours, avec lequel il a collaboré si souvent et dont le paysage
détaillé ne lui enseigna jamais l’art de comp ter les feuilles et les brins
d’herbe. Ce que Rubens a mis dans le paysage ne vient donc ni de la
Hollande, ni de la Flandre.

C’est en Italie et en Espagne qu’il apprit l’art souverain qui imite
la nature en la transfigurant; c’est là qu’il devina le beau secret des
infidélités héroïques. Rubens a beaucoup étudié, il a copié les œuvres
d’un puissant paysagiste, Titien. Assurément, dans les perspectives
qu’il a peintes, il a pu s’inspirer des spectacles que l’humble campagne
flamande mettait sous ses yeux ; mais il a toujours agrandi et, pour
ainsi dire, exhaussé les sites. Avec des monticules il a fait des mon-
tagnes, et il n’a jamais oublié la manière italienne, celle qui amplifie
et qui ajoute à la vérité le libre agrandissement du décor. Rubens a
traité le paysage comme il a parfois traité le portrait, avec une
fidélité des plus suspectes : la largeur et le caprice de son interpré-
tation doivent, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, le faire
ranger dans la catégorie des traîtres sublimes qu’on appelle les
idéalistes.
 
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