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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 1
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Courajod, Louis: Les véritables origines de la Renaissance
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0034

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26

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

avait de beaucoup devancé celle des lettres. Ces deux renaissances
ont eu chacune un développement personnel, et elles ont été, beau-
coup plus qu’on le croit, indépendantes l’une de l’autre, si j’accepte
comme définitives les opinions actuellement professées par l’histoire
littéraire. Mais déjà l’érudition nous a mis en garde contre de hâtives
conclusions. Il y eut, à la cour de Charles Y et de Charles YI, un
véritable épanouissement des fleurs les plus délicates de l’huma-
nisme 1 ; et il se pourrait qu’un jour l’histoire fît commencer
cinquante ans plus tôt les débuts de la Renaissance littéraire, comme
nous fixons au milieu du xiv° siècle le commencement de la Renais-
sance des arts, pour l’Occident de l’Europe. Après tout, je n’ai pas à
m’occuper de ce parallélisme qui n'a rien de nécessaire. Sommetoute, il
faudra reconnaître que la Renaissance des arts fut un besoin général,
universel, qui pesa sur l’Europe pendant tout le xive siècle, qui se
manifesta presque partout à la fois et qui, à ses débuts, n’a rien eu,
mais rien du tout à voir avec l’antique. L’intervention de l’antiquité
ne fut qu’un accident, qu’un épisode dans un grand mouvement de
transformation qu’elle modifia, mais qu’elle n’avait pas déterminé.
Dès lors, tout s’enchaîne dans l’ordre des manifestations successives
de l’art. La Renaissance est et demeure la digne et légitime héri-
tière du moyen âge dont on la voit graduellement et naturellement
sortir. Tous les peuples concourent â l’engendrer et, dans ce concert
harmonieux, ce n’est pas l’Italie, ce n’est pas la patrie des ruines, ce
n’est pas la fille ainée du monde antique qui tient tout d’abord la
note la plus haute et la plus aiguë.

Est-ce qu’ils ne sont pas des artisans de la plus complète et de la
plus définitive Renaissance, ces glorieux Yan Eyck, leurs précur-
seurs, les délicieux peintres miniaturistes de l’Ecole de Limbourg,
nos sculpteurs de Pierrefonds et de la Ferté-Milon, nos imagiers
de Poitiers, nos maîtres si convaincus de l’Ecole de Dijon? Nous
avons montré l’année dernière, par de nombreux exemples produits
à notre cours de l'Ecole du Louvre, l’existence d’une véritable Re-
naissance qui s’épanouissait, qui éclatait de toute part, qui s’étalait
le long d’innombrables monuments, et qui n’avait pas attendu, pour

1. A. Thomas, Ds Johannis ds Monsteriolo vita et operibus. Je crois qu’on peut
dire sans exagération que vers 1360 la France était peut-être plus près de la
Renaissance littéraire, plus près de l'art de l’avenir qn’elle ne le lut cent ans plus
tard, en 1460, par exemple. J’entends par l’art de l’avenir, le complet asservisse-
ment de l’esprit de la France à la littérature grecque et latine et aux influences
de l’art et de la civilisation antiques.
 
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