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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 1
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Michel, André: Exposition de M. Puvis de Chavannes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0050

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

let qui les entourent et qui ne sont tous, à le bien prendre, la Décol-
lation de saint. Jean-Baptiste exceptée, que des réductions ou des frag-
ments de peintures murales, on est frappé à la fois de la puissance de
l’expression poétique et de l’absence de rhétorique. En dépit de tout
ce qu’on a pu dire et imprimer, l’oeuvre se suffit à elle-même,
elle n’appelle aucun commentaire explicatif, tels du moins qu’en
exigent les rébus d’un Chenavard, d’un Overbeck ou d’un Cornélius.
La pensée y reste très générale, sans complication, telle que la
peinture, avec ses seules ressources, peut la traduire et la porter.
Les êtres du rêve, évoqués par lui, étrangers à toute action parti-
culière ou violente, sont comme baignés dans une sorte d’atmosphère
psychique, il est permis de s’exprimer ainsi; mais ils ne nous
proposent aucune énigme et les choses sérieuses et solennelles qu’ils
veulent dire trouvent sans peine le chemin de nos cœurs où ils
éveillent de longues rêveries. Leurs fronts pleins et bas sont habités
de pensées simples; leurs mouvements rares et lents, « pris, comme
le remarquait si bien M. Emile Michel à propos du Ludus pro patria, à
leur origine, dans leur acception la plus franche, en correspondance
parfaite avec le jet des figures et l’intention qu’elles manifestent »,
leur communiquent la vie supérieure qui leur est nécessaire sans
leur rien faire perdre de ce caractère, si reposant, si bienfaisant,
d’apparitions amies, devisions lointaines et présentes qui est un des
secrets de leur action sur nous et de leur charme.

Qu’on ne l’oublie pas, d’ailleurs, ils ont aussi des trouvailles
exquises de gestes et d’attitudes, un mélange unique de grâce fami-
lière et de grandeur héroïque où l’on retrouve, avec les souvenirs les
plus charmants de la nature la mieux observée sinon copiée, les inten-
tions les plus hautes de l’Art. Et c’est là surtout qu’on reconnaît
l’influence de ces études préparatoires, dont il est faux de dire que le
peintre a cru pouvoir se dispenser, de ces belles sanguines décidément
magistrales et bien significatives, que nous avions déjà vues et
signalées à l’Exposition des Dessins du siècle et que nous n’avons pas
eu moins de plaisir à revoir rue Laffitte. Un autre trait de ces
figures, et qui s’allie très bien avec leur expression rêveusement
pensive, c’est l’air de volonté qu’elles respirent. Elles rêvent et elles
font rêver, mais on les sent aussi capables de vouloir et, sous leur
gravité sereine, on devine une résolution tranquille.

Nous ne saurions dans ces notes hâtives aborder l’examen détaillé
des œuvres exposées ces dernières semaines; nous pouvons nous en
dispenser, d’ailleurs, en nous reportant soit à la collection de la
 
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