LA MANUFACTURE DE SÈVRES EN L’AN VIII.
51
Le citoyen Troyon, abitans de la commune de Sèvres
au citoyen ministre de l’Intérieur.
Citoyen ministre,
Je suis âgé d’environs soixante ans et employé trente-deux ans dans la manu-
acture des porcelaine de Sèvres en qualité de répareur pâle tendre.
Vu la nouvelle organisation ordonné par vous, après mon ancienneté, mon
assiduité et mon talens dans cette partie et les produits de mes travaux constatés
dans les registres des chefs d’atelliers, me donnait l’espoir d’être conservé dans
le nombre des artistes ouvriers qui font partie actuellement de cet établissement.
Le sort, ou du moins j’aime à le croire, m’a porté dans le nombre des citoyens
lissencier sans pansion quoi que des hommes d’œuvres qui n’ont que vingt ans de
service jouisse d’une retraite.
Par cet événement Malheureux pour moi, citoyen Ministre, Il est resté à ma
charge un ûls âgé de 19 ans1; j’ai sacrifié mon salaire pour lui donner une Edu-
cation auquelle il a eu le bonheur de parvenir facillement, tant dans l’écriture, la
Peinture que la Musique; ses progrès dans ces trois parties fesait ma consolation
et lui préparait un heureux avenir. Cet espoir que je prenais plaisir à nourrir est
tout à coup changé en une tristesse profonde, puis que je me vois réduit par ma
suppression sans moyens de donner un état à mon fils.
Je vous demande, citoyen ministre, de me faire rendre ma place à la Manu-
facture ou de faire placer mon fils dans qu’elque Bureaux ou dans la Musique du
Consulat pour la Clarinette.
C’est un père, c’est un fils qui réclament votre justice et qui l’attend de vous
avec confiance.
Salut et Respect,
P.-F. Troyon.
Troyon, d Sevre, prest la Fontaine d'amour.
Nous pourrions reproduire un grand nombre de ces lettres,
isolées ou collectives, peignant sous les plus sombres couleurs la
misère des pauvres licenciés qui paraissent, au moins pour la plu-
part, avoir compris cependant que le ministre avait été forcé « de
supprimer pour régénérer » et qui, loin de récriminer — et, certes,
ils en auraient eu le droit — se bornaient à implorer des à-comptes,
si faibles qu’ils soient, sur l’argent qui leur était dû, afin de pouvoir
au moins subsister jusqu’au moment où ils leur serait possible de
trouver du travail. Le ministre, de son côté, renvoyait lettres et
pétitions à Brongniart en l’assurant « qu’il s’occupait des moyens de
1. Qui fut le père du peintre; il entra plus tard à la manufacture et, dès 1807,
il figure, en qualité de doreur, parmi les artistes auxquels il était donné des travaux
en extraordinaire.
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Le citoyen Troyon, abitans de la commune de Sèvres
au citoyen ministre de l’Intérieur.
Citoyen ministre,
Je suis âgé d’environs soixante ans et employé trente-deux ans dans la manu-
acture des porcelaine de Sèvres en qualité de répareur pâle tendre.
Vu la nouvelle organisation ordonné par vous, après mon ancienneté, mon
assiduité et mon talens dans cette partie et les produits de mes travaux constatés
dans les registres des chefs d’atelliers, me donnait l’espoir d’être conservé dans
le nombre des artistes ouvriers qui font partie actuellement de cet établissement.
Le sort, ou du moins j’aime à le croire, m’a porté dans le nombre des citoyens
lissencier sans pansion quoi que des hommes d’œuvres qui n’ont que vingt ans de
service jouisse d’une retraite.
Par cet événement Malheureux pour moi, citoyen Ministre, Il est resté à ma
charge un ûls âgé de 19 ans1; j’ai sacrifié mon salaire pour lui donner une Edu-
cation auquelle il a eu le bonheur de parvenir facillement, tant dans l’écriture, la
Peinture que la Musique; ses progrès dans ces trois parties fesait ma consolation
et lui préparait un heureux avenir. Cet espoir que je prenais plaisir à nourrir est
tout à coup changé en une tristesse profonde, puis que je me vois réduit par ma
suppression sans moyens de donner un état à mon fils.
Je vous demande, citoyen ministre, de me faire rendre ma place à la Manu-
facture ou de faire placer mon fils dans qu’elque Bureaux ou dans la Musique du
Consulat pour la Clarinette.
C’est un père, c’est un fils qui réclament votre justice et qui l’attend de vous
avec confiance.
Salut et Respect,
P.-F. Troyon.
Troyon, d Sevre, prest la Fontaine d'amour.
Nous pourrions reproduire un grand nombre de ces lettres,
isolées ou collectives, peignant sous les plus sombres couleurs la
misère des pauvres licenciés qui paraissent, au moins pour la plu-
part, avoir compris cependant que le ministre avait été forcé « de
supprimer pour régénérer » et qui, loin de récriminer — et, certes,
ils en auraient eu le droit — se bornaient à implorer des à-comptes,
si faibles qu’ils soient, sur l’argent qui leur était dû, afin de pouvoir
au moins subsister jusqu’au moment où ils leur serait possible de
trouver du travail. Le ministre, de son côté, renvoyait lettres et
pétitions à Brongniart en l’assurant « qu’il s’occupait des moyens de
1. Qui fut le père du peintre; il entra plus tard à la manufacture et, dès 1807,
il figure, en qualité de doreur, parmi les artistes auxquels il était donné des travaux
en extraordinaire.