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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Suivant les uns, le modèle de Praxitèle avait été la courtisane
Phryné 1 2 ; suivant d’autres, ce fut une certaine Cratina 3. Comme nous
savons par différents témoignages que Praxitèle a été l’amant de
Phryné 3, c’est la première version qui semblerait préférable, s’il
n’était pas possible, comme nous le pensons, de la concilier avec la
seconde en supposant que le sculpteur athénien eut plusieurs modèles.
De même Zeuxis, peignant son Hélène, emprunta aux plus belles filles
de Crotone les éléments de la parfaite beauté4 5.
La déesse était représentée dans la fleur de l’âge, debout, sans
vêtement, une main ramenée vers le milieu de son corps. Les deux
côtés de la statue étaient travaillés avec une égale perfection. Son
visage s’éclairait d’un demi-sourire à la fois noble et gracieux. Les
éloges donnés par les anciens à divers détails, à la tète, aux cheveux,
au front, aux sourcils, à la grâce humide des yeux brillants, à la taille,
aux hanches, aux proportions du corps, sont malheureusement peu
instructifs b : on remarquera seulement que dans la beauté idéale ima-
ginée par Lucien 6, beauté qu’il compose à l’aide de traits empruntés
aux statues les plus célèbres, il n’est pas question des mains de la
Vénus de Cnide, mais de celles du chef-d’œuvre d’Alcamène, la Vénus
des Jardins. On ne sait même pas au juste si la statue de Cnide était
en marbre de Paros ou en marbre pentélique, les anciens n’étant pas
d’accord à cet égard 7. Voilà tout ce que les textes nous apprennent :
on conviendra que ce n’est pas grand’cliose. Nous nous réservons
d’insister plus loin sur un autre détail qu’ils indiquent et auquel il
semble qu’on n’ait pas fait assez attention jusqu’à présent.
11 existe dans nos musées un très grand nombre de statues de
Vénus sans voiles et il ne se passe guère d’années sans qu’on en
découvre de nouvelles. Si la fréquence des répliques d’une œuvre
d’art donnait la mesure de la célébrité de l’original, nous n’hésite-
rions pas à reconnaître la Vénus de Cnide dans le type de la Vénus
de Médicis ou dans celui de la Vénus du Capitole. On possède, en
effet, plus de cent répliques de ces statues, tant en marbre qu’en
1. Athénée, XIII, p. 590.
2. Clément d’Alexandrie, Protrept., LUI.
3. Par exemple, Athénée, XIII, p. 591; Pausanias, I, 20, 1.
4. Cicéron. De Inventione, II, 2. Voir Georges Perrot, De l’Étude du modèle
vivant chez les artistes grecs, dans ses Mémoires d’archéologie, p. 3-8.
5. Les textes principaux sont Pline, Hist. Nat., XXXVI, 21; Lucien, Portraits,
VI ; Amours, XIII.
6. Lucien, Portraits, VI.
7. Lucien, Jupiter tragique, X; Amours, XIII.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Suivant les uns, le modèle de Praxitèle avait été la courtisane
Phryné 1 2 ; suivant d’autres, ce fut une certaine Cratina 3. Comme nous
savons par différents témoignages que Praxitèle a été l’amant de
Phryné 3, c’est la première version qui semblerait préférable, s’il
n’était pas possible, comme nous le pensons, de la concilier avec la
seconde en supposant que le sculpteur athénien eut plusieurs modèles.
De même Zeuxis, peignant son Hélène, emprunta aux plus belles filles
de Crotone les éléments de la parfaite beauté4 5.
La déesse était représentée dans la fleur de l’âge, debout, sans
vêtement, une main ramenée vers le milieu de son corps. Les deux
côtés de la statue étaient travaillés avec une égale perfection. Son
visage s’éclairait d’un demi-sourire à la fois noble et gracieux. Les
éloges donnés par les anciens à divers détails, à la tète, aux cheveux,
au front, aux sourcils, à la grâce humide des yeux brillants, à la taille,
aux hanches, aux proportions du corps, sont malheureusement peu
instructifs b : on remarquera seulement que dans la beauté idéale ima-
ginée par Lucien 6, beauté qu’il compose à l’aide de traits empruntés
aux statues les plus célèbres, il n’est pas question des mains de la
Vénus de Cnide, mais de celles du chef-d’œuvre d’Alcamène, la Vénus
des Jardins. On ne sait même pas au juste si la statue de Cnide était
en marbre de Paros ou en marbre pentélique, les anciens n’étant pas
d’accord à cet égard 7. Voilà tout ce que les textes nous apprennent :
on conviendra que ce n’est pas grand’cliose. Nous nous réservons
d’insister plus loin sur un autre détail qu’ils indiquent et auquel il
semble qu’on n’ait pas fait assez attention jusqu’à présent.
11 existe dans nos musées un très grand nombre de statues de
Vénus sans voiles et il ne se passe guère d’années sans qu’on en
découvre de nouvelles. Si la fréquence des répliques d’une œuvre
d’art donnait la mesure de la célébrité de l’original, nous n’hésite-
rions pas à reconnaître la Vénus de Cnide dans le type de la Vénus
de Médicis ou dans celui de la Vénus du Capitole. On possède, en
effet, plus de cent répliques de ces statues, tant en marbre qu’en
1. Athénée, XIII, p. 590.
2. Clément d’Alexandrie, Protrept., LUI.
3. Par exemple, Athénée, XIII, p. 591; Pausanias, I, 20, 1.
4. Cicéron. De Inventione, II, 2. Voir Georges Perrot, De l’Étude du modèle
vivant chez les artistes grecs, dans ses Mémoires d’archéologie, p. 3-8.
5. Les textes principaux sont Pline, Hist. Nat., XXXVI, 21; Lucien, Portraits,
VI ; Amours, XIII.
6. Lucien, Portraits, VI.
7. Lucien, Jupiter tragique, X; Amours, XIII.