94
GAZETTE DES BEAUX-A11TS.
répété. Mais cela importe peu dans la question qui nous occupe :
l’essentiel, c’est le geste doublement pudique des mains commun à
toutes les statues de ces deux séries, où les archéologues de l’ancienne
école n’hésitaient pas à reconnaître des imitations plus ou moins
libres de la Vénus cnidienne de Praxitèle.
Cette manière de voir soulève cependant une objection très grave :
elle est contredite par les’monnaies. Quelques rares pièces de bronze
frappées à Cnide, à l’effigie de Caracalla et de Plautille, présentent
au revers l’image d’une Vénus debout, couvrant sa nudité de sa main
droite, et tenant de la main gauche un pan de draperie qu’elle laisse
tomber sur un vase placé près d’elle. Les deux meilleurs spécimens
de ce type numismatique, frappés avec des coins un peu différents,
existent dans les cabinets de Paris et de Berlin ; nous reproduisons
ici le revers du bronze de Berlin, qui n’a pas, comme le nôtre, été
altéré par des retouches 1. Sur une autre monnaie de la même ville,
on voit une tète de Vénus, figurée de profil, où l’arrangement simple
et gracieux de la chevelure parait copié sur le même original 2.
Il est évident que la ville de Cnide, si célèbre sous l’Empire par sa
Vénus, ne pouvait faire graver sur ses monnaies un autre type de la
déesse que celui dont elle était redevable à Praxitèle. Bien d’autres
cités grecques ont agi de même et ont rappelé par leur monnayageles
chefs-d’œuvre qu’elles étaient fières de posséder. Seulement, ces repro-
ductions de statues par des graveurs de coins ne sont jamais d’une
exactitude rigoureuse ; les nécessités de la frappe, la répugnance
des artistes grecs pour les copies serviles — répugnance dont les
marbres et les gemmes ne témoignent pas moins que les monnaies —
nous interdisent de chercher sur ces dernières autre chose que des
imitations par à peu près des œuvres de la sculpture. Ainsi, nous savons
que la Vénus de Cnide, occupant le milieu d’un édicule spécial,
devait regarder, sinon tout droit devant elle, du moins dans la direc-
tion de l'entrée; or. les monnaies font voir la tête de profil, parce
que le faible relief des tètes vues de face, bientôt effacé et rendu
méconnaissable par le frottement, ne convient pas à la gravure des
types monétaires où il ne paraît que par exception. Cependant
l’attitude des mains, la présence de la draperie et du vase, sont des
détails assez caractéristiques pour que le graveur, en les reproduisant
sur son coin, les ait empruntés à l’œuvre dont il s’inspirait.
1. Baumeister, Denkmæler, fig. 1554, p. 1402.
2. Baumeister, op. laud., fig. 1555, p. 1402.
GAZETTE DES BEAUX-A11TS.
répété. Mais cela importe peu dans la question qui nous occupe :
l’essentiel, c’est le geste doublement pudique des mains commun à
toutes les statues de ces deux séries, où les archéologues de l’ancienne
école n’hésitaient pas à reconnaître des imitations plus ou moins
libres de la Vénus cnidienne de Praxitèle.
Cette manière de voir soulève cependant une objection très grave :
elle est contredite par les’monnaies. Quelques rares pièces de bronze
frappées à Cnide, à l’effigie de Caracalla et de Plautille, présentent
au revers l’image d’une Vénus debout, couvrant sa nudité de sa main
droite, et tenant de la main gauche un pan de draperie qu’elle laisse
tomber sur un vase placé près d’elle. Les deux meilleurs spécimens
de ce type numismatique, frappés avec des coins un peu différents,
existent dans les cabinets de Paris et de Berlin ; nous reproduisons
ici le revers du bronze de Berlin, qui n’a pas, comme le nôtre, été
altéré par des retouches 1. Sur une autre monnaie de la même ville,
on voit une tète de Vénus, figurée de profil, où l’arrangement simple
et gracieux de la chevelure parait copié sur le même original 2.
Il est évident que la ville de Cnide, si célèbre sous l’Empire par sa
Vénus, ne pouvait faire graver sur ses monnaies un autre type de la
déesse que celui dont elle était redevable à Praxitèle. Bien d’autres
cités grecques ont agi de même et ont rappelé par leur monnayageles
chefs-d’œuvre qu’elles étaient fières de posséder. Seulement, ces repro-
ductions de statues par des graveurs de coins ne sont jamais d’une
exactitude rigoureuse ; les nécessités de la frappe, la répugnance
des artistes grecs pour les copies serviles — répugnance dont les
marbres et les gemmes ne témoignent pas moins que les monnaies —
nous interdisent de chercher sur ces dernières autre chose que des
imitations par à peu près des œuvres de la sculpture. Ainsi, nous savons
que la Vénus de Cnide, occupant le milieu d’un édicule spécial,
devait regarder, sinon tout droit devant elle, du moins dans la direc-
tion de l'entrée; or. les monnaies font voir la tête de profil, parce
que le faible relief des tètes vues de face, bientôt effacé et rendu
méconnaissable par le frottement, ne convient pas à la gravure des
types monétaires où il ne paraît que par exception. Cependant
l’attitude des mains, la présence de la draperie et du vase, sont des
détails assez caractéristiques pour que le graveur, en les reproduisant
sur son coin, les ait empruntés à l’œuvre dont il s’inspirait.
1. Baumeister, Denkmæler, fig. 1554, p. 1402.
2. Baumeister, op. laud., fig. 1555, p. 1402.