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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
leur exécution à la Haye, en présence d’une très nombreuse assis-
tance qui se presse autour de l’échafaud.
Esaïas devait continuer par la suite à recueillir ainsi le souvenir
des événéments dont il avait pu être témoin et dont l’image lui parais-
sait digne d’être conservée. C’est ainsi qu’il gravait plus tard la
Rupture de la digue du Leck, aux environs d’Utreclit, le 10 janvier 1624,
avec une foule de travailleurs occupés à réparer le désastre. L'ins-
cription en vers hollandais placée sous cette estampe nous apprend
qu’elle a été exécutée d’après un dessin fait sur les lieux par l’artiste
lui-même. Des lettres servant de points de repère nous indiquent
avec la largeur de la brèche, le point précis où elle s’est ouverte.
Dans ces divers ouvrages Esaïas nous apparaît comme un obser-
vateur absolument respectueux de la réalité; cependant ces scrupules
mêmes sont peu favorables à l’expression artistique et les indications
nettes, mais un peu sèches, auxquelles il recourt, ne nous donneraient
qu’une idée bien insuffisante de son talent. Il se manifeste à nous
d’une manière plus heureuse dans ses dessins et ses peintures. Le
premier de ses tableaux que nous connaissions, le Banquet du Musée
de la Haye, porte la date de 1614 et a été peint, par conséquent,
encore à Harlem b Nous y trouvons un des premiers spécimens de ces
tableaux de Sociétés, de ces Conversations galantes, qui tiendront plus
tard une place si considérable dans l’école et y formeront un genre
spécial. On ne saurait dire cependant que Van de Yelde soit le créa-
teur de ce genre, et l’on relèverait facilement l’exemple de pareils
sujets chez les anciens flamands. Mais si Pierre Brueghel, François
Fourbus le jeune et François Franken les avaient traités avant lui,
il contribua du moins à donner à ces sortes de représentations une
phj^sionomie tout à fait hollandaise.
Le Banquet de la Haye nous montre une table richement servie,
dressée en plein air dans le jardin d’un château qu’on aperçoit au
loin, avec les allées couvertes qui y mènent. Les convives, des dames
raides et empesées dans leurs corsages et des seigneurs le chapeau
sur la tète, vêtus d’étoffes aux vives couleurs, sont assis ou debout
autour de la table. Un page en pourpoint blanc plonge un verre dans
le bassin d’une fontaine monumentale placée à la droite du tableau.
Les tons bruns colorés qui forment l’harmonie dominante contrastent
avec les bleus verdâtres du fond et les lumières des arbres, se déta-
I. M. Vosmaer, l’historien de Rembrandt bien connu, possède également à
la Haye une Société d’Esaïas datée de 1615 et de dimensions un peu plus grandes.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
leur exécution à la Haye, en présence d’une très nombreuse assis-
tance qui se presse autour de l’échafaud.
Esaïas devait continuer par la suite à recueillir ainsi le souvenir
des événéments dont il avait pu être témoin et dont l’image lui parais-
sait digne d’être conservée. C’est ainsi qu’il gravait plus tard la
Rupture de la digue du Leck, aux environs d’Utreclit, le 10 janvier 1624,
avec une foule de travailleurs occupés à réparer le désastre. L'ins-
cription en vers hollandais placée sous cette estampe nous apprend
qu’elle a été exécutée d’après un dessin fait sur les lieux par l’artiste
lui-même. Des lettres servant de points de repère nous indiquent
avec la largeur de la brèche, le point précis où elle s’est ouverte.
Dans ces divers ouvrages Esaïas nous apparaît comme un obser-
vateur absolument respectueux de la réalité; cependant ces scrupules
mêmes sont peu favorables à l’expression artistique et les indications
nettes, mais un peu sèches, auxquelles il recourt, ne nous donneraient
qu’une idée bien insuffisante de son talent. Il se manifeste à nous
d’une manière plus heureuse dans ses dessins et ses peintures. Le
premier de ses tableaux que nous connaissions, le Banquet du Musée
de la Haye, porte la date de 1614 et a été peint, par conséquent,
encore à Harlem b Nous y trouvons un des premiers spécimens de ces
tableaux de Sociétés, de ces Conversations galantes, qui tiendront plus
tard une place si considérable dans l’école et y formeront un genre
spécial. On ne saurait dire cependant que Van de Yelde soit le créa-
teur de ce genre, et l’on relèverait facilement l’exemple de pareils
sujets chez les anciens flamands. Mais si Pierre Brueghel, François
Fourbus le jeune et François Franken les avaient traités avant lui,
il contribua du moins à donner à ces sortes de représentations une
phj^sionomie tout à fait hollandaise.
Le Banquet de la Haye nous montre une table richement servie,
dressée en plein air dans le jardin d’un château qu’on aperçoit au
loin, avec les allées couvertes qui y mènent. Les convives, des dames
raides et empesées dans leurs corsages et des seigneurs le chapeau
sur la tète, vêtus d’étoffes aux vives couleurs, sont assis ou debout
autour de la table. Un page en pourpoint blanc plonge un verre dans
le bassin d’une fontaine monumentale placée à la droite du tableau.
Les tons bruns colorés qui forment l’harmonie dominante contrastent
avec les bleus verdâtres du fond et les lumières des arbres, se déta-
I. M. Vosmaer, l’historien de Rembrandt bien connu, possède également à
la Haye une Société d’Esaïas datée de 1615 et de dimensions un peu plus grandes.