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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
s’efface pas plus de la mémoire que celle de ce fameux Christ de
Holbein, au Musée de Bâle. L’étirement des muscles, la tension vio-
lente des extrémités, l’affaissement des parois abdominales, diraient
le genre de mort enduré par celui que l’on s’apprête à ensevelir, alors
même que l’instrument du supplice ne se dresserait pas à nos regards.
La tête est d’une beauté cruelle ; le peintre l’expose à nos regards
en pleine face, sans atténuer en rien la poignante et dernière expres-
sion d’un oeil vitreux, d’une lèvre contractée, d’un front déchiré
par la couronne d’épines.
Tandis que la Vierge s’abîme de douleur dans les bras de saint Jean,
que l’une des saintes femmes essuie de ses cheveux les pieds sanglants
du Christ, Joseph d’Arimathie procède avec une délicatesse émue à
l’extraction d’une épine demeurée dans le front meurtri du Sauveur.
Si le summum d’émotion réside dans la douleur de la Vierge et de
la Madeleine formant avec le Christ un groupe sculptural, comme dit
Bürger, les autres personnages ne descendent point au rang de
comparses.
Chez eux le respect se mêle à la douleur. L’on n’efface point de sa
mémoire le souvenir de l’homme au turban violet, aperçu déjà dans
la Généalogie de sainte Anne, et qui tient ici la couronne d’épines avec
une expression d’angoisse et de pitié ineffable.
La gamme des tonalités de cette page dramatique, son exécution
matérielle se lient étroitement à la conception. En digne fils de la
Flandre, Matsys aime à étaler aux yeux de la foule la richesse des
costumes. Joseph d’Arimathie, l’homme opulent, en fournissait le
prétexte. Sa robe de brocart d’Orient, semée de léopards et de coqs
d’argent sur fond rouge, est relevée de perles et frangée d’or. La Made-
leine est parée d’une riche ceinture et ses compagnes ont des coiffures
relevées d’or. Pareille richesse peut être hors de propos, mais les
relations de couleur y gagnent. Elles sont des mieux entendues. Les
groupes ont la profondeur nécessaire et la réalité. L’intérêt de la
scène se concentre sur ces trois personnages : le Christ, la Vierge et
saint Jean, vêtus du costume traditionnel; la Vierge de bleu, saint
Jean de rouge.
Le décor prête puissamment son concours à l’expression dramatique
du sujet. Il n’est pas défendu de croire, cette fois encore, à l’inter-
vention de Patenier dans l’amoncellement des roches dont la ligne
imposante se détache sur le bleu d’un ciel aux nuages tourmentés. A
gauche, dans la vallée, Jérusalem, avec ses tours et son temple
magnifique.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
s’efface pas plus de la mémoire que celle de ce fameux Christ de
Holbein, au Musée de Bâle. L’étirement des muscles, la tension vio-
lente des extrémités, l’affaissement des parois abdominales, diraient
le genre de mort enduré par celui que l’on s’apprête à ensevelir, alors
même que l’instrument du supplice ne se dresserait pas à nos regards.
La tête est d’une beauté cruelle ; le peintre l’expose à nos regards
en pleine face, sans atténuer en rien la poignante et dernière expres-
sion d’un oeil vitreux, d’une lèvre contractée, d’un front déchiré
par la couronne d’épines.
Tandis que la Vierge s’abîme de douleur dans les bras de saint Jean,
que l’une des saintes femmes essuie de ses cheveux les pieds sanglants
du Christ, Joseph d’Arimathie procède avec une délicatesse émue à
l’extraction d’une épine demeurée dans le front meurtri du Sauveur.
Si le summum d’émotion réside dans la douleur de la Vierge et de
la Madeleine formant avec le Christ un groupe sculptural, comme dit
Bürger, les autres personnages ne descendent point au rang de
comparses.
Chez eux le respect se mêle à la douleur. L’on n’efface point de sa
mémoire le souvenir de l’homme au turban violet, aperçu déjà dans
la Généalogie de sainte Anne, et qui tient ici la couronne d’épines avec
une expression d’angoisse et de pitié ineffable.
La gamme des tonalités de cette page dramatique, son exécution
matérielle se lient étroitement à la conception. En digne fils de la
Flandre, Matsys aime à étaler aux yeux de la foule la richesse des
costumes. Joseph d’Arimathie, l’homme opulent, en fournissait le
prétexte. Sa robe de brocart d’Orient, semée de léopards et de coqs
d’argent sur fond rouge, est relevée de perles et frangée d’or. La Made-
leine est parée d’une riche ceinture et ses compagnes ont des coiffures
relevées d’or. Pareille richesse peut être hors de propos, mais les
relations de couleur y gagnent. Elles sont des mieux entendues. Les
groupes ont la profondeur nécessaire et la réalité. L’intérêt de la
scène se concentre sur ces trois personnages : le Christ, la Vierge et
saint Jean, vêtus du costume traditionnel; la Vierge de bleu, saint
Jean de rouge.
Le décor prête puissamment son concours à l’expression dramatique
du sujet. Il n’est pas défendu de croire, cette fois encore, à l’inter-
vention de Patenier dans l’amoncellement des roches dont la ligne
imposante se détache sur le bleu d’un ciel aux nuages tourmentés. A
gauche, dans la vallée, Jérusalem, avec ses tours et son temple
magnifique.