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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 5
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0399

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

devise de temps placardée par les rues. Nul doute que le garçonnet,
pétri d’intelligence, demande sans cesse des éclaircissements sur ce
qu’il entend et ce qu’il voit. Lors des fêtes du quartier, en l’honneur
du Parlement réintégré, il a quatre ans : un âge où tout frappe. Il a
cinq ans lors du mouvement des États généraux et de la prise de la
Bastille. Le voyez-vous prendre feu aux discours qu’on tient devant
lui. Le bonhomme Antoine s’excite en ces réunions qu’il appelle son
« racontage », où toutes les questions sont abordées. Entre paren-
thèses, ce nom de « Racontage » restera longtemps au petit cabaret
installé après sa mort, à la place de son atelier. Mais tout s’oublie.

Se croyant sûr de la fortune, le poêlier se laisse aller à rebâtir
sa façade. Grands soucis et grands frais qui le conduiront à sa ruine,
car les années mauvaises vont se multiplier. A partir de 1789, en
effet, à Dijon comme partout, l’agitation s’aggrave et l’inquiétude
générale suspend l’activité des affaires. Si la formation du départe-
ment de la Côte-d’Or, en janvier 1790, est acclamée, le décret de
fermeture des églises soulève d’ardentes protestations. Le 6 avril
1791, on publie un arrêté du directoire départemental enjoignant
aux curés et aux vicaires des paroisses d’interrompre le culte. Il y
a une émeute de femmes à ce sujet. Les Dijonnaises s’en vont caril-
lonner l’office à Saint-Jean et obligent les chanoines à monter à
l’autel en leur criant : « Nos bonnes gens, soyez tranquilles... » Ces
manifestations en provoquent de contraires, et des plus scandaleu-
ses. Par exemple le 11 mars, à six heures du soir, on promène par la
ville un mannequin, vêtu en pape et précédé d’un tambour. Place de
Morimont, le cortège s’arrête, deuxénergumènes, Burette etDeferrier,
dénoncent les crimes et proclament la déchéance de la papauté ; on
décapite le mannequin sacrilège et on le jette au feu. Mais ce n’est là
presque rien auprès de ce qui éclate. Les prêtres insermentés sont
décrétés d’arrestation ; la loi des suspects fait rage ; le sang coule,
des spoliations se commettent; on renverse la statue de Louis XIV
sur la place dArmes, on brise les chefs-d’œuvre d’art; d’odieux me-
neurs, parmi lesquels se distinguent deux ou trois anciens religieux1
organisent des clubs, terrorisent la ville. On ne sait plus que trem-
bler, au camp de braves gens. Est-ce là la liberté promise? Que fait-
on du respect des consciences? Une joie factice règne au dehors, on
simule lâchement l’enthousiasme, mais la tristesse est au fond des

1. Ceriscant, ancien cordelier ; Delarbre, ex-bédédictin ; Chaussier, ci-devant
prêtre, Goblet, ex-bernardin, etc. — Cf. Justin Ledeuil : la Révolution à Dijon.
 
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