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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Le chapitre des pierres dures mérite de fixer l’attention. Il jette quelque
lumière sur une des branches les moins explorées, et des plus importantes, cepen-
dant, de l’art chinois.
On connaît la passion des Célestes pour le travail du jade, yu, cette pierre si
dure qu’elle raye le verre et le quartz. Les principaux gisements sont dans l’ancien
Turkestan chinois, dans le pays que les Chinois appellent Yu-thian, « Pays du
Jade ».
« L’excessive dureté du jade, remarque M. Paléologue, impose à l’artisan qui le
façonne des conditions particulières de travail. C’est d’abord une patience à toute
épreuve ; pour lui donner, en effet, outre la forme, tout le poli et tout l’éclat dont il est
susceptible, il faut souvent cinq ou six cents journées de main-d’œuvre. L’ouvrier,
TABATIÈRE DE VERRE.
(Collection de M. Louis Gonse.)
ayant arrêté son parti après examen de la pierre brute, de sa forme, des irrégu-
larités visibles ou probables, la dégrossit en pratiquant, avec une fraise à pointe
de diamant, une série de trous juxtaposés, de profondeur variable, et en faisant
sauter à la bouterolle les parties restées pleines entre ces trous. 11 renouvelle cette
opération jusqu’à ce que l’objet qu’il se propose de fabriquer apparaisse dans ses
lignes principales. Le décor est travaillé soit par la ciselure à la pointe de diamant ?
soit par l’usure à la pierre de jade. Le polissage est obtenu, pour le premier état,
par une série de frottements sur des pierres communes à polir ; il est achevé à la
poudre d’émeri et parfois à l’égrisée. »
Le jade est, assurément, la matière à laquelle les Chinois attachent le plus de
prix ; « ils le considèrent comme la plus belle substance où puisse s’incorporer la
pensée humaine ». Les raisons de cette préférence ne sont pas celles qui peuvent
toucher beaucoup les Européens. Ce n’est, en effet, ni pour sa rareté, car les gise-
ments du Yu-thian sont fort riches, ni pour son aspect un peu neutre, et comme
graisseux, que les Chinois estiment si particulièrement le jade ; c’est surtout pour
sa dureté, qui en fait la matière impérissable par excellence, et aussi pour sa
valeur symbolique telle que l’a définie Confucius dans son système philosophique.
Le jade le plus apprécié est celui dont la pureté ne laisse rien à désirer et dont
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Le chapitre des pierres dures mérite de fixer l’attention. Il jette quelque
lumière sur une des branches les moins explorées, et des plus importantes, cepen-
dant, de l’art chinois.
On connaît la passion des Célestes pour le travail du jade, yu, cette pierre si
dure qu’elle raye le verre et le quartz. Les principaux gisements sont dans l’ancien
Turkestan chinois, dans le pays que les Chinois appellent Yu-thian, « Pays du
Jade ».
« L’excessive dureté du jade, remarque M. Paléologue, impose à l’artisan qui le
façonne des conditions particulières de travail. C’est d’abord une patience à toute
épreuve ; pour lui donner, en effet, outre la forme, tout le poli et tout l’éclat dont il est
susceptible, il faut souvent cinq ou six cents journées de main-d’œuvre. L’ouvrier,
TABATIÈRE DE VERRE.
(Collection de M. Louis Gonse.)
ayant arrêté son parti après examen de la pierre brute, de sa forme, des irrégu-
larités visibles ou probables, la dégrossit en pratiquant, avec une fraise à pointe
de diamant, une série de trous juxtaposés, de profondeur variable, et en faisant
sauter à la bouterolle les parties restées pleines entre ces trous. 11 renouvelle cette
opération jusqu’à ce que l’objet qu’il se propose de fabriquer apparaisse dans ses
lignes principales. Le décor est travaillé soit par la ciselure à la pointe de diamant ?
soit par l’usure à la pierre de jade. Le polissage est obtenu, pour le premier état,
par une série de frottements sur des pierres communes à polir ; il est achevé à la
poudre d’émeri et parfois à l’égrisée. »
Le jade est, assurément, la matière à laquelle les Chinois attachent le plus de
prix ; « ils le considèrent comme la plus belle substance où puisse s’incorporer la
pensée humaine ». Les raisons de cette préférence ne sont pas celles qui peuvent
toucher beaucoup les Européens. Ce n’est, en effet, ni pour sa rareté, car les gise-
ments du Yu-thian sont fort riches, ni pour son aspect un peu neutre, et comme
graisseux, que les Chinois estiment si particulièrement le jade ; c’est surtout pour
sa dureté, qui en fait la matière impérissable par excellence, et aussi pour sa
valeur symbolique telle que l’a définie Confucius dans son système philosophique.
Le jade le plus apprécié est celui dont la pureté ne laisse rien à désirer et dont