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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 6
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Michel, André: Salon de 1888, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0482

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442

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

que nous aurions presque fait un grief au prodigue qui nous eût
apporté un chef-d’œuvre, avant l’heure sonnée. Ne brûlons pas notre
poudre aux moineaux.

Il n’y a pas à se fâcher : la consigne n’a pas été violée; la réserve
sacrée des chefs-d’œuvre de demain n’a pas été entamée. — Et pour-
tant ce Salon n’est pas insignifiant et n’aura pas été inutile. Notre
jeune école achève de s’y débrouiller, si j’ose m’exprimer ainsi; un
commencement d’ordre s’y établit piano au milieu de l’ancienne
anarchie; les courants jadis incertains et capricieux s’y orientent de
plus en plus nettement; nous prenons paisiblement possession d’un
idéal nouveau et voici que, dans plus d’un atelier, on voit s’allumer
et rayonner la douce lumière de la certitude.

Il semble que l’histoire de notre art moderne, si incohérent en
apparence, pourra, dans ses lignes générales, s’écrire désormais sans
trop d’hésitation ; et si, comme il faut l’espérer, ce pauvre Castagnary,
brutalement enlevé à une tâche vaillamment entreprise et qu’il méri-
tait de mener à bien, n’a pas emporté dans sa tombe trop tôt ouverte
la pensée et le plan de cette exposition rétrospective et séculaire dont
il nous entretint souvent, nous pourrons y suivre, dans un dévelop-
pement rigoureusement logique, l’évolution de notre École. Cette
étude nous promet de grandes joies et de féconds enseignements ; —
mais le moment n'est pas encore venu de l’entreprendre. La critique,
comme les peintres, se recueille. Il nous suffira de dresser en peu de
mots le procès-verbal de l’année et d’essayer de dire à peu près où
nous en sommes à la veille de la grande revue, —sinon de la grande
bataille.

I.

Nous célébrons avec un lyrisme tempéré, comme il convient pour
de justes noces, le mariage du pinceau moderne avec la lumière. Aux
jours lointains, presque oubliés, où quelques audacieux se mirent en
mesure de délivrer la pauvre captive des sous-sols humides et ver-
dâtres où elle agonisait, il y eut des combats héroïques. On descendit,
la torche au poing, dans les caves de l’Institut, aux murs bitumineux,
« aux ombres insensées », comme écrivait Régnault; on prit, pour la
trois ou quatrième fois, la Bastille académique... Les temps sont
accomplis; il ne s’agit plus aujourd’hui d’une captive à délivrer, mais
d’une jolie fille bien dotée qu’on épouse par devant notaire. Le fils
 
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