LES VAN DE VELDE.
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s’était si bien familiarisé avec leurs formes que son talent et son
exactitude à les représenter attiraient bientôt sur lui l’attention des
amateurs et même celle des membres du Conseil de l’Amirauté.
Dès les commencements de l’École hollandaise la mer a tenu une
grande place dans les œuvres de ses peintres, place bien en rapport
d’ailleurs avec l’importance qu’elle a dans la vie même de la nation.
C’est en Italie, il est vrai, et sans doute à cause de la situation mari-
time de leur cité que, pour la première fois, les maîtres vénitiens,
Titien et Tintoret surtout, ont assez souvent introduit la mer dans
les fonds de leurs tableaux ou accompagné leurs portraits des doges
ou des grands personnages de la représentation de quelque victoire
navale remportée par eux et qu’on entrevoit confusément dans le
lointain. Les riches colorations de l’Adriatique s'harmonisent heu-
reusement dans leurs œuvres avec l’éclat des carnations et des
costumes ; mais ce n’est là, à tout prendre , qu’un décor agréable,
une parure pittoresque, empruntée à cette mer calme des lagunes
dont les flots caressants expirent au pied des grands palais. Bien
différente est la mer des rivages hollandais, avec ses incessantes
menaces contre des plages basses et mal protégées. C’est un ennemi
qu’il faut contenir et vaincre tous les jours, mais qui, dompté par
l’industrieuse ténacité d’un peuple courageux, est devenu pour lui, au
moment de la lutte contre l’étranger, la sauvegarde de son indépen-
dance et, après la paix, la cause de sa prospérité. En s’attachant
exclusivement à la peinture de la mer les peintres hollandais ne
faisaient donc que se conformer à la nature des choses et le genre
spécial qu’ils créaient ainsi constituait, par excellence, un genre
vraiment national. Retracées par eux les actions d’éclat des intrépides
marins de cette époque rappelaient la gloire dont ils s’étaient couverts
en combattant pour le salut commun. Aussi les municipalités et les
corporations se plaisaient à orner de ces patriotiques images leurs
salles de réunion, à en faire présent aux princes dont elles voulaient
reconnaître les services. C’est ainsi que Henri de Vroom avait été
chargé par la ville de Harlem de représenter la bataille navale livrée
sous ses murs le 25 mai 1573. Le même artiste peignait en 1610 une
Bataille de Trafalgar (1607), destinée à être offerte au prince de Galles
et en 1635 il avait à décorer de scènes nautiques la salle du Conseil
de l’Amirauté. En 1622, Cornelis van Wieringen recevait 2,400 florins
pour un autre épisode de la bataille de Trafalgar dont le Conseil de
l’Amirauté faisait hommage au prince Maurice, lors de la reconstruc-
tion de son palais du Vyversberg. D’autres peintres comme Abraham
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s’était si bien familiarisé avec leurs formes que son talent et son
exactitude à les représenter attiraient bientôt sur lui l’attention des
amateurs et même celle des membres du Conseil de l’Amirauté.
Dès les commencements de l’École hollandaise la mer a tenu une
grande place dans les œuvres de ses peintres, place bien en rapport
d’ailleurs avec l’importance qu’elle a dans la vie même de la nation.
C’est en Italie, il est vrai, et sans doute à cause de la situation mari-
time de leur cité que, pour la première fois, les maîtres vénitiens,
Titien et Tintoret surtout, ont assez souvent introduit la mer dans
les fonds de leurs tableaux ou accompagné leurs portraits des doges
ou des grands personnages de la représentation de quelque victoire
navale remportée par eux et qu’on entrevoit confusément dans le
lointain. Les riches colorations de l’Adriatique s'harmonisent heu-
reusement dans leurs œuvres avec l’éclat des carnations et des
costumes ; mais ce n’est là, à tout prendre , qu’un décor agréable,
une parure pittoresque, empruntée à cette mer calme des lagunes
dont les flots caressants expirent au pied des grands palais. Bien
différente est la mer des rivages hollandais, avec ses incessantes
menaces contre des plages basses et mal protégées. C’est un ennemi
qu’il faut contenir et vaincre tous les jours, mais qui, dompté par
l’industrieuse ténacité d’un peuple courageux, est devenu pour lui, au
moment de la lutte contre l’étranger, la sauvegarde de son indépen-
dance et, après la paix, la cause de sa prospérité. En s’attachant
exclusivement à la peinture de la mer les peintres hollandais ne
faisaient donc que se conformer à la nature des choses et le genre
spécial qu’ils créaient ainsi constituait, par excellence, un genre
vraiment national. Retracées par eux les actions d’éclat des intrépides
marins de cette époque rappelaient la gloire dont ils s’étaient couverts
en combattant pour le salut commun. Aussi les municipalités et les
corporations se plaisaient à orner de ces patriotiques images leurs
salles de réunion, à en faire présent aux princes dont elles voulaient
reconnaître les services. C’est ainsi que Henri de Vroom avait été
chargé par la ville de Harlem de représenter la bataille navale livrée
sous ses murs le 25 mai 1573. Le même artiste peignait en 1610 une
Bataille de Trafalgar (1607), destinée à être offerte au prince de Galles
et en 1635 il avait à décorer de scènes nautiques la salle du Conseil
de l’Amirauté. En 1622, Cornelis van Wieringen recevait 2,400 florins
pour un autre épisode de la bataille de Trafalgar dont le Conseil de
l’Amirauté faisait hommage au prince Maurice, lors de la reconstruc-
tion de son palais du Vyversberg. D’autres peintres comme Abraham