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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 6
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0549

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506

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de M. Talazac, chargé de représenter le personnage si important de Mylio.
L’excellent ténor abuse de la demi-teinte : quel que soit le charme de sa voix
mixte, on se lasse de cette interprétation en douceur qui affadit le rôle.
Mlle Deschamps (Margared) etM. Bouvet (Karnac) pêchent peut-être par excès
contraire, mais il ne faut pas le leur reprocher, car leur ardeur a beaucoup
servi le compositeur : c’est à eux et à Mlle Simonnet (Itozenn) que M. Lalo doit
ses remercîments les plus sincères. Mlle Simonnet est simplement délicieuse de
grâce, de poésie et d’émotion dans le rôle charmant de la fille cadette du roi
d’Ys; voilà une création qui comptera dans la carrière de cette jeune artiste.
N’oublions pas enfin de complimenter MM. Fournets et Cobalet, dont les
belles voix graves sonnent franchement et avec une entière justesse.

En somme, très belle exécution : on ne trouverait pas ailleurs un pareil
ensemble de voix fraîches et d’artistes intelligents, franchement dévoués à
une œuvre. M. Paravey, le directeur de l’Opéra-Comique, en montant le
Roi cTYs et en confiant l’interprétation à ses meilleurs chanteurs, a bien
mérité de Part : on ne saurait trop le remercier et l’encourager à persévérer
dans cette voie.

L’œuvre de Jean-Sébastien Bach, c’est, pour les musiciens, la loi et les
prophètes! Beethoven Ta nommé la « Bible de l’harmonie »; tous les grands
compositeurs, de Glück à Wagner, y sont venus puiser les plus hautes inspi-
rations de leur art. L’organiste de Leipzick fut une de ces natures extraor-
dinaires qui viennent au monde par une sorte de génération spontanée;
sans ascendant à qui on puisse les rattacher immédiatement, sans milieu
préparé pour leur genèse; il semble qu’ils tombent du ciel, armés de
toutes pièces, prêts à dire le dernier mot des choses, alors qu’autour d’eux
on en est encore aux balbutiements de l’enfance. Tel il fut dans la pre-
mière moitié du xvme siècle, tel il nous apparaît aujourd’hui, un musi-
cien d’une incomparable puissance : son génie a tiré du néant un art
nouveau et Ta porté du coup à sa plus sublime perfection.

Ce n'est pas que Bach ait vécu isolé dans sa grandeur; nous ne pouvons
oublier que Rameau et Hændel sont ses contemporains : tous trois sont nés
dans ces bienheureuses années 4683-1685, qui marquent, non pas une
renaissance, mais l’éclosion d’un art inconnu dans le passé ou, du moins,
n’ayant pas laissé d’histoire. Il en est de l’art comme de la science : les
grandes découvertes sont dans l’air à un moment précis de l’évolution de
l’esprit humain : grands artistes et grands savants marchent par groupes à
leur conquête. Cette coexistence de deux musiciens de premier ordre n’en-
lève rien à la gloire de Bach dont la supériorité est, d’ailleurs, incontes-
table.

Que l’œuvre de Bach soit complètement ignorée du public, cela n’a
pas lieu de nous surprendre; il est avant tout le musicien des musiciens. Il
y a ainsi, dans toutes les branches des connaissances humaines, des grands
 
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