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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 37.1888

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Nr. 6
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24191#0552

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REVUE MUSICALE.

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tout d’abord, mais non sans étonnement, car un peu de retard m’eût semblé
parfaitement excusable. Quant à l’inspiration et au goût, comme ce sont des
qualités innées, je ne vois pas trop pourquoi certains privilégiés de la nais-
sance ne pourraient pas les avoir en eux au même titre que le commun des
mortels.

Et de fait, la musique de M. de Polignac, pour être de la musique de
prince, n’en est pas moins d’excellente musique : elle est d’ailleurs connue
et estimée depuis très longtemps. L’art dont elle procède est sans doute un
peu quintessencié, mais il est impossible de ne pas lui reconnaître des
qualités de l’ordre le plus élevé. Dans les Échos de Vancien Orient qu’on nous
a fait entendre, les idées, exquises par le sentiment, sont enchâssées dans un
tissu d’harmonies recherchées qui accentuent leur charme poétique : la
Danse du Python, notamment, écrite dans une gamme nouvelle où un ton
est invariablement suivi d’un demi-ton, n’est pas seulement une compo-
sition originale où l’artiste a eu à vaincre des obstacles techniques presque
insurmontables, l’effort n’y apparaît nullement et Ton prend le plus grand
plaisir à l’entendre. Dans un autre ordre d’idées et suivant le style classique,
M. de Polignac a composé un andante d’un très beau caractère et d’une
inspiration soutenue : cette composition, supérieurement interprétée par le
violon de M. Marsick, peut marcher de pair avec les morceaux les plus
réputés dans ce genre : elle a été saluée d’unanimes applaudissements.

Beaucoup plus jeune d’âge, car il vient à peine de quitter la classe de
M. Massenet au Conservatoire, M. le comte d’Harcourt se révèle musicien de
talent facile et déjà fort expert aux pratiques si complexes aujourd’hui de
la composition : Y Aubade à ma fiancée est une gracieuse pièce pour orchestre,
dans le goût de certains morceaux justement réputés de M. Delibes, mais
appartenant en propre à l’auteur. Nous aimons moins la mélodie de ténor
Priez pour moi, dont l’interprétation laissait d’ailleurs à désirer. M. d’Har-
court nous semble avoir été mieux inspiré dans son Essai de grand chœur,
où l’on a vivement goûté la belle sonorité et la clarté de l’ensemble.
Quoique le jeune compositeur soit, par l’éducation, un adepte de l’école
nouvelle, les auditeurs lui ont su gré de la simplicité relative de sa texture
harmonique : puisse ce premier succès l’encourager à ne pas s’écarter de
cette manière de faire!

C’est sur les bases de l’harmonie classique que la musique a érigé ses
monuments les plus nobles; c’est dans son langage qu’ont été écrites les
pages les plus émouvantes des grands maîtres de l’art. Le « vieux jeu » ne
mérite donc pas le discrédit où il semble tombé auprès de certains compo-
siteurs modernes; il le mérite d’autant moins qu’il ne gêne personne; nous
y voyons un ensemble de moyens parfaits en soi que chacun est libre
d’employer à sa guise et de vivifier par la pensée.

ALFRED DE LOSTALOT.
 
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