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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 1
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Mabilleau, Léopold: Le salon du champ de mars, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0036

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qu’un éloge verbal jeté en une ligne. Mais la limite s’impose, et je
n’ai rien dit encore de la sculpture. Celle-ci, d’ailleurs, est loin de
tenir au Champ de Mars une place comparable à celle qu’elle occupe
au Palais de l’Industrie : elle n’a point d’exposition particulière, elle
sert seulement à l’ornement de galeries qui sont livrées exclusive-
ment aux peintres. Le tour du grand escalier a seul été réservé pour
une apparence de groupement.

Les deux grands sculpteurs qui ont suivi M. Meissonier, M. Da-
lou et M. Rodin, n’apportent guère à cette exposition que le pres-
tige de leur nom. Le Victor Noir du premier n’est pas à dédaigner,
mais le costume moderne, lorsqu’il n’est relevé par aucune particu-
larité significative, sert trop mal les sculpteurs pour qu’ils puissent
y marquer une empreinte bien personnelle. Quoi que fasse M. Dalou,
c’est une redingote, un pantalon, des bottines et un chapeau haut de
forme, qu’il s’agit de représenter; cela manque évidemment de par-
ticularité et d’intérêt. Le Buste de M. Floquet est un joli morceau, très
vivant et parlant.

Les esquisses de bronze qu’expose M. Rodin sont destinées à orner
la porte du Musée des Arts décoratifs. Le sujet d’ensemble est la
« Divine Comédie », et c’est bien un rêve dantesque qu’évoquent ces
morceaux de facture puissante et tourmentée.

Citons au passage M. Edmond de Concourt, par M. Alfred Lenoir;
une intéressante collection d’esquisses et de portraits en plâtre de
M. Baffier, dont le réalisme commence à se posséder et à s’équilibrer;
un groupe d’une belle expression, de M. Camille Lefebre, Dans la rue;
une statue d’enfant en faïence colorée et une tête de femme rendue
avec une singulière puissance, par Mme Charlotte Besnard, et arrivons
enfin à la pièce capitale de l’exposition, la Mort, de M. Desbois. La
conception, d’abord, en est curieuse : l’artiste a voulu substituer au
traditionnel squelette qui, de toute antiquité, sert de symbole plas-
tique à l’idée de notre fin, une image qui exprime mieux la dissolution
organique qu’elle amène. C’est un cadavre à demi décomposé qui
étend les bras vers l’homme agonisant, étalant à ses yeux la terrible
évidence de demain. La plupart des femmes se détournent avec
épouvante de cette oeuvre de vérité, entendant sans doute chanter
dans leur mémoire les vers mélancoliques de Baudelaire ;

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion 1
 
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