Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 4.1890)

FRANÇOIS RUDE

(dixième article1.)

XXIX

dirait que le hasard est commis à sou-
ligner les inconséquences de Rude,
quelque soin qu’il prenne à les justi-
fier. Lorsque le maître, au mois de sep-
tembre 1847, se rendait à Fixin, pour
l’inauguration de son Bonaparte, il
venait de donner le suprême coup de
pouce à une statue d’un ordre politique
bien différent, dont j’ai, présentement,
à dire l’histoire : à savoir, la figure
tombale du républicain Godefroy Cavai-
gnac2. Les deux œuvres, conçues à peu d’intervalle, exécutées de
front, exposées dans l'atelier face à face, s’inspirent en apparence
d’une idée commune et, par le fait, étalent naïvement leur contra-
diction. Du mouvement bonapartiste est issue la première; la seconde
répond au courant carbonariste. C’est le triomphe de la démocratie
que prétend exprimer le Réveil de Bonaparte, mais c’est, au fond, la
victoire du césarisme qu’il célèbre. Le monument de Cavaignac
honore, par contre, la démocratie pure en la personne d’un de ses
chefs les plus respectés et les plus regrettés ; nous sommes aux
antipodes du principe césarien. On tâche inutilement à raccorder
les deux idées; bon gré, mal gré, elles se détruisent. Mais Rude ne

1. Voy. Gazette des Beaux-Arts, 2e période, t. XXXVII, p. 353, et t. XXXVIII,
p. 103 et 468; 3e période, t. I, p. 213; t. II, p. 583, et t. III, p. 185 et 504; t. IV,
p. 133 et 320.

2. Voir la belle eau-forte de M. Henry Guérard, publiée précédemment (t. XXXVIII,
2e période, p. 114).