LE MUSÉE DE L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.
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ont disparu': n’importe quel sauvage pourrait faire aussi bien. Qu’il
représente les signes du zodiaque ou les mésaventures de nos pre-
miers parents, ce grossier tailleur de pierres révèle la même rudesse.
N’importe, de tels repoussoirs ont leur utilité; je dirai plus, leur
utilité est en raison directe de leur abaisse-
ment; ils accentuent, par opposition, jus-
qu’aux plus modestes des progrès accomplis
par les âges suivants.
Ces chapiteaux nous permettent de con-
stater jusqu’où descendit au moyen âge
l’impéritie de ceux qui faisaient profession
de manier le ciseau. Voici les sculpteurs,
dont la tâche paraît relativement facile,
puisque, sans se livrer à un effort d’abstrac-
tion, comme leurs confrères les peintres, ils
n’ont qu’à copier en relief des objets en
relief. Eh bien, il y eut un moment où ils ne
furent même plus capables de distinguer les
âges : l’enfance et l’adolescence, problèmes
insolubles pour eux; tout au plus parve-
naient-ils encore à façonner, c’est le mot,
des figures de vieillards maussades. A quelle
ère infortunée faire remonter la responsa-
bilité de productions aussi misérables? De
Guilhermy se prononçait pour le xie siècle;
mais cette date, à mon avis, doit être quelque
peu avancée. Les chapiteaux de Sainte-
Geneviève appartiennent déjà au style ro-
man ; on le voit à leurs rinceaux, d’une
conception relativement logique et d’une
facture relativement sûre. On sait d’ailleurs
quel court intervalle sépara les débuts de notre statuaire de son admi-
rable épanouissement au xme siècle : dans de certaines régions,
l’espace d’une génération à peine.
Cet épanouissement se reflète, à l’Ecole des Beaux-Arts, dans un
monument très profane, malgré son origine sacrée; je veux parler
de la vasque qui, de l’abbaym de Saint-Denis, a été transportée au
Musée des monuments français pendant le premier Empire, et qui est
aujourd’hui exposée dans la cour d’honneur de l’École. Ce monolithe,
qui mesure près de quatre mètres de diamètre, nous initie à une de
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ont disparu': n’importe quel sauvage pourrait faire aussi bien. Qu’il
représente les signes du zodiaque ou les mésaventures de nos pre-
miers parents, ce grossier tailleur de pierres révèle la même rudesse.
N’importe, de tels repoussoirs ont leur utilité; je dirai plus, leur
utilité est en raison directe de leur abaisse-
ment; ils accentuent, par opposition, jus-
qu’aux plus modestes des progrès accomplis
par les âges suivants.
Ces chapiteaux nous permettent de con-
stater jusqu’où descendit au moyen âge
l’impéritie de ceux qui faisaient profession
de manier le ciseau. Voici les sculpteurs,
dont la tâche paraît relativement facile,
puisque, sans se livrer à un effort d’abstrac-
tion, comme leurs confrères les peintres, ils
n’ont qu’à copier en relief des objets en
relief. Eh bien, il y eut un moment où ils ne
furent même plus capables de distinguer les
âges : l’enfance et l’adolescence, problèmes
insolubles pour eux; tout au plus parve-
naient-ils encore à façonner, c’est le mot,
des figures de vieillards maussades. A quelle
ère infortunée faire remonter la responsa-
bilité de productions aussi misérables? De
Guilhermy se prononçait pour le xie siècle;
mais cette date, à mon avis, doit être quelque
peu avancée. Les chapiteaux de Sainte-
Geneviève appartiennent déjà au style ro-
man ; on le voit à leurs rinceaux, d’une
conception relativement logique et d’une
facture relativement sûre. On sait d’ailleurs
quel court intervalle sépara les débuts de notre statuaire de son admi-
rable épanouissement au xme siècle : dans de certaines régions,
l’espace d’une génération à peine.
Cet épanouissement se reflète, à l’Ecole des Beaux-Arts, dans un
monument très profane, malgré son origine sacrée; je veux parler
de la vasque qui, de l’abbaym de Saint-Denis, a été transportée au
Musée des monuments français pendant le premier Empire, et qui est
aujourd’hui exposée dans la cour d’honneur de l’École. Ce monolithe,
qui mesure près de quatre mètres de diamètre, nous initie à une de