LE MUSÉE DE L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.
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pinacles contenant des statuettes de saints, feuilles et fleurs nette-
ment découpées, griffons et symboles des évangélistes à la silhouette
hardie; cependant le progrès s’accuse dans l’attitude de la ligure
principale, qui est plus naturelle que les précédentes, avec quelque
chose de moins artificiel et de moins systématique.
Mais revenons au xve siècle, qui a marqué pour notre sculpture
l’ère des tâtonnements. Le courant réaliste qui
s’était développé au contact des Flamands ne pou-
vait soutenir!que les natures fortes, celles qui
n’avaient pas besoin de s’appuyer sur la tradition
pour se maintenir au-dessus des flots, les Claux
Sluter, les Jacques Morel, les Antoine le Moitu-
rier : quant aux tempéraments moins généreux,
ils devaient fatalement, soit se traîner terre à
terre, soit emprunter au genre comique un sem-
blant d’inspiration et de verve. Les auteurs des
débris conservés à l’Ecole des Beaux-Arts oscil-
lent entre ces deux excès : tantôt, comme dans
l'Amende honorable ils se laissent aller à la con-
ception la plus prosaïque; tantôt, comme dans les
Marmousets, provenant de l’ancien couvent des
Jacobins, dans la rue Saint-Jacques, ils cherchent
u n dérivatif dans l’élément grotesque ou satyrique :
nous en avons pour exemples ces bustes de moines
ou de bourgeois, bizarrement groupés en cul-de-
lampe, les uns avec leur face épanouie, encadrée
par une sorte de turban, les autres avec leur tête à
moitié cachée par un capuchon et à moitié cou-
verte par une barbe épaisse.
Dans 1 ’Amende honorable, les moines debout (ils sont tous trop
trapus, et il leur manque une bonne tête en hauteur) se distinguent
par leurs physionomies vides et banales ; les trois sergents age-
nouillés, un cierge à la main, sont mieux à leur rôle; ils ont je ne
sais quel sérieux et quelle conviction. L’artiste a voulu animer la
scène en y introduisant divers spectateurs, d'abord deux gamins,
aux jambes de travers, puis des bourgeois assez embarrassés de leurs
mouvements.
1. Il s’agit de la réparation faite en 1440 aux religieux du couvent des Grand$-
Augustins de Paris, par des sergents qui s’étaient saisis d’un religieux, sans res-
pect pour l’immunité du lieu, et avaient tué un autre religieux.
(Fragment du tombeau
de Commines.)
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pinacles contenant des statuettes de saints, feuilles et fleurs nette-
ment découpées, griffons et symboles des évangélistes à la silhouette
hardie; cependant le progrès s’accuse dans l’attitude de la ligure
principale, qui est plus naturelle que les précédentes, avec quelque
chose de moins artificiel et de moins systématique.
Mais revenons au xve siècle, qui a marqué pour notre sculpture
l’ère des tâtonnements. Le courant réaliste qui
s’était développé au contact des Flamands ne pou-
vait soutenir!que les natures fortes, celles qui
n’avaient pas besoin de s’appuyer sur la tradition
pour se maintenir au-dessus des flots, les Claux
Sluter, les Jacques Morel, les Antoine le Moitu-
rier : quant aux tempéraments moins généreux,
ils devaient fatalement, soit se traîner terre à
terre, soit emprunter au genre comique un sem-
blant d’inspiration et de verve. Les auteurs des
débris conservés à l’Ecole des Beaux-Arts oscil-
lent entre ces deux excès : tantôt, comme dans
l'Amende honorable ils se laissent aller à la con-
ception la plus prosaïque; tantôt, comme dans les
Marmousets, provenant de l’ancien couvent des
Jacobins, dans la rue Saint-Jacques, ils cherchent
u n dérivatif dans l’élément grotesque ou satyrique :
nous en avons pour exemples ces bustes de moines
ou de bourgeois, bizarrement groupés en cul-de-
lampe, les uns avec leur face épanouie, encadrée
par une sorte de turban, les autres avec leur tête à
moitié cachée par un capuchon et à moitié cou-
verte par une barbe épaisse.
Dans 1 ’Amende honorable, les moines debout (ils sont tous trop
trapus, et il leur manque une bonne tête en hauteur) se distinguent
par leurs physionomies vides et banales ; les trois sergents age-
nouillés, un cierge à la main, sont mieux à leur rôle; ils ont je ne
sais quel sérieux et quelle conviction. L’artiste a voulu animer la
scène en y introduisant divers spectateurs, d'abord deux gamins,
aux jambes de travers, puis des bourgeois assez embarrassés de leurs
mouvements.
1. Il s’agit de la réparation faite en 1440 aux religieux du couvent des Grand$-
Augustins de Paris, par des sergents qui s’étaient saisis d’un religieux, sans res-
pect pour l’immunité du lieu, et avaient tué un autre religieux.
(Fragment du tombeau
de Commines.)