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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Wyzewa, Teodor de: Le mouvement des arts en Allemagne et en Angleterre
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LE MOUVEMENT DES ARTS A L’ÉTRANGER.

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guère aperçu ni des maîtres vraiment originaux, ni même beaucoup d’habiles
artisans, ayant le sentiment de la peinture et une technique un peu assurée. Désor-
mais je pourrai bien croire à la supériorité des chemisiers anglais, mais pour leurs
peintres, j’aurai grand’peine à ne pas me méfier.

On peut diviser les peintres anglais contemporains en trois catégories : les
peintres d’allégorie (la plupart à l'occasion portraitistes), les peintres de paysage
et les peintres de genre.

De ces trois catégories, la plus nationale est à beaucoup près la première. Le
goût des peintres anglais pour l’allégorie date de loin, et s’est toujours maintenu
sous les transformations successives des styles. Ce n’est pas sans raison que les
Anglais ont accueilli avec enthousiasme, au xvine siècle, l’extravagant Suisse Fuseli,
et, plus tard, mis le non moins extravagant Blalce au rang de leurs grands hommes.
Ils aiment, quoi qu’ils en aient, la littérature dans la peinture. Peut-être s’imagi-
nent-ils ressembler en cela aux Florentins de la Renaissance, dont ils ont tous le
culte : mais il est bien certain que leurs préraphaélites, par exemple, se servent
des formes florentines exactement aux mêmes fins symbolistes et littéraires où
Fuseli et Blake faisaient servir les formes solides et mouvementées de Michel-Ange.
Aussi est-ce à ce genre allégorique que s’emploient les peintres les plus célèbres de
l'Angleterre contemporaine. Les uns, n’ayant jamais su dessiner ni peindre, ne se
sont jamais souciés de l’apprendre. D’autres paraissent avoir été au début de fort
habiles hommes, mais soit que la préoccupation des symboles leur ait fait oublier
leur métier, soit que, la gloire une fois venue, ils l’aient oublié à force de multi-
plier les besognes, ils sont aujourd’hui aussi incapables de représenter un symbole
d’une réelle beauté que de dessiner correctement une figure ou de bien fondre
leurs couleurs.

Il n’est pas douteux que le vénérable président de la Royal Acadcmy, Sir Fré-
déric Leighton, a jadis connu à fond son métier de peintre : mais les trois tableaux
qu’il a exposés cette année prouvent assurément qu’il n’en a aujourd’hui qu’une
assez faible idée. Le dessin est mou, le modelé banal, le coloris fâcheusement criard
dans ces trois figures de femmes, Psyché au bain, la Solitude et la Poétesse tragique.
Je vois bien que Sir Leighton est tourmenté d’un idéal de grâce pure et un peu
froide, et qu’il entend tout sacrifier, l’expression et le mouvement, à l’élégance
des lignes; mais encore faut-il que ces lignes aient une raison d’être, et que leur
élégance s’appuie sur une observation sérieuse delà réalité.

Le cas de M. Poynter est encore plus triste. Celui-là aussi, je le sens épris de
la pure beauté; mais jamais feu Boulanger, qui ne passait pas pour un délicat, n’a
peint un petit modèle italien de la place Jussieu avec des contours, une expression,
un ton de chair plus poncifs et un coloris plus discordant que M. Poynter a peint
son Enfant assis sur les degrés du temple. Et cet enfant est un chef-d’œuvre auprès
d’un second tableau, une jeune fille portant un panier de fleurs, peinture d’un
métier si gauche et d’un effet de sensualité si banal que pas un de nos peintres
ne consentirait à l’avoir faite.

Sir John Millais a prouvé à plus d’une reprise qu'il savait peindre, et qu’à
défaut d’un art très personnel, il avait la science et le métier. Comment expliquer
que cet artiste éminent en soit venu à exécuter des portraits aussi médiocres que
ceux qu’il a exposés cette année, et des paysages aussi déplaisants? Le portrait de
M. Gladstone et son petit-fils, à la Royal Academy, et le portrait d’un Petit garçon,
iv. — 3e période. 12
 
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