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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 2
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Geymüller, Heinrich von: La vierge à l' Œillet: peinture attribuée à Léonard de Vinci
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0114

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ron. Le tableau est peint à l’huile sur un panneau de bois dont la
surface est très légèrement courbée, suivant la surface extérieure
d’un cylindre vertical. Nous ne saurions expliquer la cause de cette
disposition qui, d’ailleurs, ne gène en rien le regard et passera, sans
doute, inaperçue de la plupart des visiteurs.

La conservation de la peinture semble très satisfaisante et, chose
rare, dans les œuvres de Léonard, celle des couleurs aussi. Le cra-
quelé des parties claires de la peinture est presque invisible; par
contre, dans les parties ombrées de la chair, il y a eu, dès l’origine
évidemment, un léger mouvement dans l’épiderme de la couleur à
l’huile qui a produit dans ces parties une infinité de toutes petites
rides, et provient sans doute déjà de l’une des expériences de
Léonard, fatales à la plupart de ses peintures. Ici l’effet d’ensemble
de l’œuvre, heureusement, n’en parait pas sensiblement affecté.

La Sainte Vierge parait assise, mais, en réalité, se tient debout,
derrière un mur d'appui sur lequel est posé un coussin d’un brun
doré, qui porte l’Enfant, et un vase de fleurs. Le mur opposé forme
un fond noir qui rehausse singulièrement la valeur de toutes les
couleurs du tableau. En même temps ce fond sombre est adouci et
idéalisé par le paysage que l'on aperçoit au travers de deux fenêtres
cintrées, divisées chacune par une colonne légère. Les pentes vertes
ou brunes du terrain s’élèvent graduellement vers les cimes élancées
des montagnes d’un bleu vaporeux. La Vierge offre un œillet rouge
à son divin enfant. Celui-ci, par un geste singulier, se détourne et,
la tête, les yeux et les bras levés vers le ciel, semble vouloir expri-
mer un sentiment de ravissement ou d’adoration. Son regard et sa
coloration comparée à celle de la Vierge nous ont laissé dans le sou-
venir quelque chose d’un peu gris ou terne. Le corps de l’enfant se
rapproche dé certains types de Verrochio en même temps que de
Léonard.

Arrivé en face du tableau, l’effet produit fut en quelque sorte
instantané, immédiat. Après deux ou trois secondes, je ne sais quelle
émotion, quelle voix intérieure remplissait tout mon être; comme un
éclair, certains rapprochements s’opéraient dans ma mémoire me
forçant, au mépris de toute prudence humaine, de dire à mon compa-
gnon : « Oui, celui-là est authentique. »

C’était le 15 octobre 1889. Depuis lors, sept mois se sont écoulés,
et devant la photographie de ce tableau, malgré plusieurs objections
qui nous ont été présentées par de fort bons juges, malgré quelques
objections dues au réveil en nous d’une prudence que nous aimerions
 
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