Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 4.1890)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

exemples palpables, la fraternité des deux races les plus admirable-
ment douées pour l’art du dessin que le monde ait jamais produites.
Dans cette comparaison, chacune d’elles garde son originalité
distinctive. Le Grec est supérieur par la science des proportions, par
l’exécution du nu, par le culte de la beauté, le sentiment de la
mesure et du goût. Le Japonais a plus d’imagination, plus de fantaisie
primesautière ; il est incomparable dans certaines parties de l’art
ignorées des Grecs, comme le paysage, le désordre pittoresque des
foules, le sens du coloris; il montre plus d’habileté et de souplesse
dans la reproduction des plantes et des animaux. Mais ce qui les
unit invinciblement, c’est l’amour de la nature vivante, modèle
unique de tous les grands artistes, dans tous les temps et dans tous
les paAs. Ils sont partis tous deux de l’observation directe des choses
les plus humbles et les plus vulgaires, pour s’élever aux sommets de
l’invention la plus sublime. Qu’on me permette de les assimiler au
Pégase dont j’emprunte l’image à un vase peint du Cabinet des
médailles et dont l’allure fantastique me servira de dernier terme
de comparaison, car il paraît plutôt sorti d’un cerveau japonais
que d’un esprit grec. Né du sang de la Gorgone qui personnifie le
monde oriental avec ses rêveries hideuses et terrifiantes, il a frappé
du pied la terre, et les ailes puissantes que l’art lui a données l’em-
portent à travers le monde des étoiles.

E. POTTIER.