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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 2
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 8
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0149

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134

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

par hasard, ramasse la lettre jetée à terre, apprend la cause de cette
agitation. — « Ah! la misérable, la misérable ! crie le maître. Je la
tuerai... » Doucement, doucement, sa femme s’essaye à le calmer, sans
le heurter de front, paraissant abonder dans son sens, mais faisant
parler la raison, invoquant des considérations atténuantes. D’abord,
violence seraitfolie. Puis, qui sait si la pauvre Françoise n’est pas toute
plus digne de pitié que de mépris? Quelque oubli qu’elle ait pu faire
autrefois de son devoir, sa honte n’atteint qu’elle seule et la dignité
de sa vie lui doit être comptée. Elle ne fait jamais chez son frère que
des apparitions brèves, presque furtives, travaille pour vivre, ne
demande rien... Et Rude, peu à peu, se rassérène et, séance tenante,
répond à l’inconnu qui porte son nom un petit billet ainsi tourné,
empreint du plus pur respect de soi-même :

« Monsieur, j’ai une sœur qui se nomme Françoise, mais je n’ai
jamais eu connaissance, et même je ne me suis jamais douté de ce
que vous me dites dans votre lettre. Je vous envoie donc l’adresse de
ma sœur, comme vous le désirez. Vous ne serez pas étonné, monsieur,
si je m’abstiens de toute réflexion dans un cas semblable. Je vous
salue.

« Mademoiselle Rude, rue des Martyrs, 28, au fond de la cour »

Ayant écrit et fait partir ces quelques lignes, il se sent quasi
soulagé. Après tout, un fils a bien le droit de chercher sa mère : on
n’a pas à s’opposer à leur réunion et, tout ce qui convient, c’est de
ne se point mêler de l’affaire. Cependant, à la première fois qu’il
aperçoit Françoise, ses bonnes résolutions s’évanouissent. Impos
sible de se contenir. Les injures sortent à plein jet de sa bouche
d’homme du peuple, blessé au plus vif de son honneur. Il a empoigné
sa sœur par les bras qu’il serre comme dans un étau, la secouant
avec un emportement sauvage, l’invectivant dans la figure, les
yeux agrandis par la fureur, effroyablement hors de lui. Françoise,
un moment interdite, a compris et s’est jetée à genoux... Oui, elle a
eu tort de ne pas tout avouer à son frère, mais elle n’osait pas... la
honte l’étouffait... et elle souffrait trop... C’était à Dijon : elle avait 4

4. Lettre du 3 septembre 1837. L’histoire de Françoise Rude a été reconstituée
d’après les lettres conservées par Alexandre Rude, à Beaune, les communications
de M. l’abbé Garraud, curé de Prémcaux (Côte-d’Or), et parent de la famille Rude,
les notes de M. Joseph Dietsch, de Dijon, et les renseignements fournis par des
élèves et d’anciens amis du sculpteur.
 
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