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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 3
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Wyzewa, Teodor de: Le portrait d'Oswald Krell par Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0239

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216

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Madrid ; de 1497 datent le portrait de femme (malheureusement si
détérioré) du Musée Stœdel de Francfort et la Jeune femme en prière
du Musée d’Augsbourg : deux peintures dont il est impossible de dire
si ce sont des portraits ou des compositions, tant y est manifeste la
recherche d’un effet d’expression dépassant la personnalité du modèle.
Et c’est de 1500 que date l’œuvre la plus troublante du maître, cet
Hercule au lac Stymphale du Musée de Nuremberg, où la science la
plus scrupuleuse s’allie avec une inquiétude si évidente de l’effet
expressif. Hélas! on sait ce que le temps a laissé de ce merveilleux
tableau : à peine si nous pourrions nous en faire une idée sans l’es-
quisse de la collection grand-ducale de Darmstadt.

Que Léonard ait eu à son début un goût marqué pour l’étrange et
le mystérieux, cela n’a rien d’étonnant : ce goût était à l’état endé-
mique à Florence, et la singularité de Léonard apparaîtrait volon-
tiers comme un retour à la saine nature, comparée avec celle de ses
prédécesseurs Yerocchio et Cosimo Rosselli, ou de ses contemporains
Botticelli et Filippino. Mais le cas de Durer est plus obscur; d’où
peut être venue la préoccupation de l’étrange et du mystérieux à ce
jeune bourgeois de Nuremberg, élève du paisible Wolgemuth? Tout
au plus pouvons-nous répondre par quelques hypothèses, rappeler,
par exemple, l’origine magyare du maître, le courant d’idées où doit
l’avoir poussé l’illustration de Y Apocalypse, l’intensité du sentiment
qui a toujours bouillonné au fond de son âme de poète.

Mais la source véritable du goût d’étrangeté de Durer, à notre
avis, c’est le premier séjour qu’il fit à Venise, en 1493 ou 1494. Ce
qu’il connut alors de l’art vénitien, ce n’est point la manière froide
et concentrée des Vivarini, ni la manière toute de vie et de santé des
Bellini et des Carpaccio ; c’est la manière, à dessein bizarre, maladive
et troublante de ces maîtres germano-italiens, Jean d’Allemagne,
Carlo Crivelli, Nicolo et Jacopo de Barbari. « Ces peintres, ditThau-
sing, se sentent attirés par ce qui est étrange et aventuré; ils
inclinent, en partie vers l’exécution brillante et fine, en partie vers
l’observation pénétrante, en partie vers l’expression du sentiment ».
Nul doute que leur influence, jointe à celle des estampes de Mantegna,
n’ait agi vivement sur l’âme de Durer; et peut-être est-ce de leurs
œuvres maniérées et malsaines, mais au premier abord si séduisantes,
qu’il veut parler lorsque, en 1506, pendant son second séjour à Venise,
il écrit dans une lettre : « Les choses qui m’avaient tant plu ici il y a
onze ans ne me plaisent plus aujourd’hui. »
 
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