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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 5
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Wyzewa, Teodor de: Le mouvement des arts en Allemagne et en Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0479

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440

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

agréable Turner que j’aie vu; mais jamais je n’ai rencontré personne dans ces
deux Musées dont les habitants de Glasgow paraissent ignorer l’existence. Et
comme dans cette ville toute noire il y a un très grand nombre de panoramas,
et très admirés, et aussi laids que possible, j’y ai passé deux semaines sans pouvoir
me douter que c’est de Glasgow que viendrait un jour la rénovation de la peinture
contemporaine.

Et pourtant la chose est sûre, tous les journaux allemands se chargeront de
vous l’affirmer : une nouvelle peinture vient do naître à Glasgow. Les trois salles
anglaises de l’Exposition internationale de Munich lui servent en ce moment de
berceau : les jeunes artistes bavarois ne se lassent point de la contempler, et j’ai
vu des critiques d'art et des peintres accourir de Berlin pour l'adorer dans sa
crèche, comme autrefois les mages et les bergers. L’été prochain, sans doute, nous
la verrons s’installer en triomphe dans l’un ou dans tous les deux de nos deux
salons : chez nous aussi, il y a longtemps que peintres et critiques interrogent
l’horizon, impatients de voir enfin se produire un art nouveau définitif.

Par quel caprice de la Providence cet art est-il né à Glasgow, et comment le
voisinage d'un fleuve aussi sale que la Clyde a-t-il pu suggérer en même temps
à une vingtaine de peintres écossais l’idée de réformer la peinture ? C’est proba-
blement ce qu’on ne saura jamais. Mais le fait est qu’ils sont là plus de vingt à
travailler de la même manière, et que la manière est vraiment nouvelle, et qu’elle
a du premier coup emporté les suffrages du Jury de l'Exposition de Munich, qui
a comblé de ses médailles les audacieux novateurs.

Voici d'abord les noms des plus notables : MM. James Guthrie, Crawhall junior,
Lavery, Walton, Gauld, Grosvenor, Henry, Hornel, Alexandre Roche, Strud, etc. ;
qu’ils me permettent de nommer à côté d’eux un Français, mort déjà depuis long-
temps, Adolphe Monticelli, puisque aussi bien ils ont exposé à Munich sa peinture
en compagnie de la leur, et qu’ils paraissent tous plus ou moins l'avoir adopté
pour modèle.

Je serais en peine d’expliquer ce que sont au juste les principes théoriques de
ces peintres écossais. Il me paraît cependant qu’ils ont voulu surtout réagir contre
l'habitude du plein air dans la peinture : le plein air, en vérité, n’est pas la belle
partie du climat de Glasgow. Qu’ils représentent des paysages ou des intérieurs ou
scènes de l’histoire, leurs tableaux sont do couleurs si sombres qu'il est impossible
à distance d’y rien distinguer. Cette réaction contre le plein air, d’ailleurs, m’a
semblé à peu près générale chez les jeunes peintres étrangers : j’ai vu à Munich
des Allemands, des Belges et des Hollandais qui revenaient courageusement au
style de Ruysdaël, ce qui n’empêchait pas leurs tableaux d’être les meilleurs de
l’Exposition.

La méthode du plein air, ou plutôt la méthode impressionniste, avait comme
conséquence essentielle de supprimer, pour ainsi dire, la couleur au profit de la
nuance. Une vingtaine de notes chromatiques différentes s’unissaient pour constituer
le vert d’un arbre ou le bleu du ciel. L’école de Glasgow a naturellement changé
tout cela : sa peinture est faite de teintes plates, en assez petit nombre, et plutôt
juxtaposées que fondues.

Mais le seul principe vraiment original de ces révolutionnaires écossais est
l'indépendance de la couleur, et celui-là leur appartient en propre. Des gens réclament
la liberté de la presse, ou la liberté du théâtre, eux ont proclamé la couleur libre,
 
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