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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 4.1890

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Nr. 6
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Fourcaud, Louis de: François Rude, 11
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https://doi.org/10.11588/diglit.24448#0538

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494

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

douter, le continuel déni de justice du Salon. Aux approches de 1848,
le mouvement réformiste, les récriminations sociales, formulées au
dessert des banquets d’opposition, la revendication même du suffrage
universel ne des tirent pas d’indifférence. Ils en veulent à la liste
civile, non au ministère et à M. Guizot. Donner l’assaut à ce bourg
pourri de l’art officiel qui est l’Exposition du Louvre, voilà leur vœu
par excellence.- C’est seulement à la longue, à force de colères ren-
trées, de stériles protestations, qu’ils se prennent à espérer d’une
révolution générale le coup de main dont ils ont besoin. Jeanron fait
de ce point de vue son thème favori dans tous les colloques de
circonstance. Un mois avant la chute de Louis-Philippe, des conci-
liabules d’artistes et de critiques exaspérés ont lieu, plusieurs fois
par semaine, à l’hôtel Pimodan, en plein quartier du Carrousel,
dans l’appartement de ce curieux et délicat Jules Boissard, peintre,
poète, musicien, atteint de la maladie du dilettantisme, affolé de
paradoxe et de raffinement 1. En un vieux salon de style Louis XIV,
aux boiseries rehaussées d’or, à la corniche décorée de peintures
mythologiques, nos discuteurs s’échauffent, assis sur des fauteuils
et des canapés anciens, couverts de tapisseries aux nuances passées,
reproduisant des chasses d’Oudry ou de Desportes. Au-dessus de la
cheminée de marbre sérancolin, un éléphant doré soutient une tour
de guerre, évèntrée d’un cadran d’horloge à chiffres bleus. De ce
noble milieu, transformé en tabagie, partent des théories subver-
sives touchant l’art et la démocratie, et toute sorte de mots d’ordre
à l’intention des camarades. Comment déloger l’odieux jury de sa
citadelle bastionnée? En attendant qu’on y parvienne, on éveille des
échos révolutionnaires et, tout ensemble, on se passionne à combiner
des règlements pour les Salons futurs. Boissard, si spirituellement
subtil, doit s’égayer, au dedans de soi, de toutes ces balivernes.
Amusettes, ces règlements en l’air! Distractions de vieux écoliers,
ces complots aboutissant à des grimoires! Les jurés de la quatrième
classe de l’Institut font déjà leur office, au nom du Roi, en vue de la
prochaine exposition. Pense-t-on que la faconde de Jeanron lui-
même les puisse troubler sur leurs chaises curules?... Or, juste à ce
moment, l’émeute se déclare; le Roi plie bagage; l’administration
de la liste civile est dispersée. A la porte, le Jury! Le Salon est
libre et les artistes saluent la République avec transport.

1. Sur Jules Boissard, Cf. Théophile Gautier, Notice en tète des œuvres com-
plètes de Baudelaire.
 
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