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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 1
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Rod, Édouard: Les salons de 1891 au Champ-de-Mars et aux Champs-Élysées, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0024

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16

GAZETTE DES BEAUX-A11TS.

Vivez, froide nature, et revivez sans cesse,

Sur nos fronts, sous nos pieds, puisque c’est votre loi.

Vivez et dédaignez, si vous êtes déesse,

L’homme, humble passager qui dut vous être un roi.

Plus que tout votre règne et que ses splendeurs vaines,

J’aime la majesté des souffrances humaines...

Seulement, la nature de M. Cazin n’est pas la « froide nature »
du grand romantique : elle est compatissante, elle est tendre, elle est
bonne ; elle s’intéresse aux maux qu’elle recèle, et dont la majesté
la remplit ; elle les panse comme elle peut, avec ses silences amicaux,
ses heures calmes, les caresses de ses brises tièdes, la paix infinie de
son inconscience, les vagues promesses de ses ciels mystérieux, et
c’est avec un pinceau que le poète exprime toutes ces choses, c’est
sur une toile qu’il les parle !

MM. Besnard, Carrière et Cazin, que j’aime à réunir malgré
toutes les différences qui les séparent, ont ensemble poussé à la
défaite du réalisme intransigeant. Au Champs-de-Mars, en effet, il
apparaît plus malade encore qu’aux Champs-Elysées. Je le trouve
représenté pourtant, quoique nuancé de symbolisme, dans la toile
singulière que M. Hodler a intitulée le Sommeil, et qui représente
différents groupes endormis, autour d’une figure centrale, un homme
qui se débat sous l’étreinte d’un cauchemar. Certaines parties de
cette composition, comme le dos de la femme nue couchée à l’avant-
plan, sont d’une exécution magistrale, et le dessin est presque par-
tout d’une robustesse, d’une sûreté, d’une exactitude qui suffisent à
montrer que M. Hodler est un peintre de race et de tempérament.
Mais, je l’avoue, sa conception m’échappe; je crains qu’il y ait
dans tout cela une pensée allégorique que je m’efforce vainement à
saisir ; surtout, j’y voudrais quelque choix, étant, hélas ! de ces
profanes qui osent croire que la beauté du modèle est nécessaire à
soutenir la beauté de l’exécution. M. Hodler est un Suisse, et son
Sommeil (qui s’appelait la Nuit, et n’était point encore décoré des vers
de Panard qui l’ornent aujourd’hui) a été exclu, par mesure admi-
nistrative, de l’Exposition annuelle de Genève. On le trouvait indé-
cent. Il y fallait de la bonne volonté. II est agressif, il est provocant,
mais je ne parviens pas à comprendre en quoi il a pu offusquer la
morale la plus puritaine. En revanche, je regrette qu’un peintre de
grand talent ne soit représenté au Champ-de-Mars que par cette seule
toile, qui, malgré ses mérites, est trop discutable. M. Hodler a der-
 
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