CORRESPONDANCE DE BELGIQUE
n nouveau musée vient de surgir à Anvers, si largement
pourvu déjà de trésors artistiques. Étant donné qu’aux
termes du dictionnaire le musée est un « lieu public
ouvert à l’étude », l’intitulé est de tout point légitime
appliqué à la nouvelle galerie que la famille Kums vient
de rendre, sans formalité aucune, accessible à tous,
et d’installer avec une splendeur dont seuls les palais
d’Italie fournissent l’exemple. Même à Anvers, où pour-
tant abondent les anciennes et fastueuses demeures, l’hô-
tel du Marché aux Chevaux est un type exceptionnellement complet
d'architecture privée de l’époque où, déchue de sa puissance commer-
ciale, la reine de l’Escaut se faisait gloire encore de son passé artis-
tique. Tous les efforts de la richesse moderne n’arrivent pas à égaler,
en sa simplicité de bon goût, le caractère de ces opulentes demeures
du siècle passé. Le Louis XVI flamand, très influencé par le style en
honneur à Vienne et à Amsterdam à l’époque où la France lui dut tant
de merveilles, est loin de soutenir la comparaison avec les délicieuses
créations qui le caractérisent dans toute sa pureté. En revanche, il a des accents
qui ne sont pas sans charme et, à Anvers, tout particulièrement, il revêt une solen-
nité qui s’explique et se justifie par le fait de son adaptation à des besoins spéciaux
nés du faste déployé par quelques grandes familles. On se sent très impressionné
en franchissant le seuil de l’hôtel Kums, de ces portiques à colonnes géminées, se
détachant sur les frondaisons d’un véritable parc orné de statues contemporaines
de l’édifice. Il y a là aussi un grand salon de style Louis XV un peu attardé, tout
garni de splendides tentures dans le goût de Parrocel, procédant de la manufacture
bruxelloise du dernier siècle. Le meuble est en parfaite harmonie avec cette
décoration, à l’exception toutefois de deux vases de porcelaine impériale de Russie,
hauts de près de deux mètres et jadis offerts par l’empereur Alexandre au duc
d’Osuna. Je n’hésite pas à dire que les tableaux ne souffrent en rien du voisinage
de toutes ces splendeurs.
M. Kums, pour former sa galerie, avait disposé de trois choses essentielles : la
place, le temps et la fortune; j’y ajouterais bien aussi le goût, mais alors en
sous-ordre, car à quoi servirait d’avoir le goût de belles choses quand fait défaut le
moyen de les acquérir ? Mais à coup sùr c’est chose remarquable de trouver chez
i
n nouveau musée vient de surgir à Anvers, si largement
pourvu déjà de trésors artistiques. Étant donné qu’aux
termes du dictionnaire le musée est un « lieu public
ouvert à l’étude », l’intitulé est de tout point légitime
appliqué à la nouvelle galerie que la famille Kums vient
de rendre, sans formalité aucune, accessible à tous,
et d’installer avec une splendeur dont seuls les palais
d’Italie fournissent l’exemple. Même à Anvers, où pour-
tant abondent les anciennes et fastueuses demeures, l’hô-
tel du Marché aux Chevaux est un type exceptionnellement complet
d'architecture privée de l’époque où, déchue de sa puissance commer-
ciale, la reine de l’Escaut se faisait gloire encore de son passé artis-
tique. Tous les efforts de la richesse moderne n’arrivent pas à égaler,
en sa simplicité de bon goût, le caractère de ces opulentes demeures
du siècle passé. Le Louis XVI flamand, très influencé par le style en
honneur à Vienne et à Amsterdam à l’époque où la France lui dut tant
de merveilles, est loin de soutenir la comparaison avec les délicieuses
créations qui le caractérisent dans toute sa pureté. En revanche, il a des accents
qui ne sont pas sans charme et, à Anvers, tout particulièrement, il revêt une solen-
nité qui s’explique et se justifie par le fait de son adaptation à des besoins spéciaux
nés du faste déployé par quelques grandes familles. On se sent très impressionné
en franchissant le seuil de l’hôtel Kums, de ces portiques à colonnes géminées, se
détachant sur les frondaisons d’un véritable parc orné de statues contemporaines
de l’édifice. Il y a là aussi un grand salon de style Louis XV un peu attardé, tout
garni de splendides tentures dans le goût de Parrocel, procédant de la manufacture
bruxelloise du dernier siècle. Le meuble est en parfaite harmonie avec cette
décoration, à l’exception toutefois de deux vases de porcelaine impériale de Russie,
hauts de près de deux mètres et jadis offerts par l’empereur Alexandre au duc
d’Osuna. Je n’hésite pas à dire que les tableaux ne souffrent en rien du voisinage
de toutes ces splendeurs.
M. Kums, pour former sa galerie, avait disposé de trois choses essentielles : la
place, le temps et la fortune; j’y ajouterais bien aussi le goût, mais alors en
sous-ordre, car à quoi servirait d’avoir le goût de belles choses quand fait défaut le
moyen de les acquérir ? Mais à coup sùr c’est chose remarquable de trouver chez
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