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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 1
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Rod, Édouard: Les salons de 1891 au Champ-de-Mars et aux Champs-Élysées, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0034

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24

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

elle évoque je ne sais quels souvenirs du panthéisme antique, de ces
hamadryades, de ces nymphes qui se perdaient dans le paysage et
que l’oeil de poète voyait parfois sortir de l’écorce des chênes ou
disparaître dans le gazouillement des sources. Il y a certainement,
au Champ-de-Mars, des œuvres plus parfaites : il n’y en a guère qui
m’ait séduit davantage; j’y ai trouvé toutes les rêveries qu’on aime à
chercher dans la nature, et qu’on y trouve lorsqu’on est envahi et sub-
jugué par ses formes, ses couleurs, ses reflets, ses parfums, son silence.

Cette délicieuse toile de M. A. Point m’en rappelle trois autres,
qui m’ont inégalement frappé. L’une est aux Champs-Elysées, où
j’ai le remords de l’avoir passée sous silence : c’est le tableau des
Marguerites, de M. Démont, qui d’ailleurs ne saurait rester inaperçu.
L’autre est les Baigneuses, de M. Dinet. Le même motif, ou presque, à
trois personnages. L’exécution en est peut-être plus magistrale, mais
il y a plus de réalité, par conséquent moins de poésie. Les beaux corps,
baignés de lumières et de reflets, qu’a peints M. Dinet dans son
paysage d’ailleurs plus resserré, n’éveillent pas l’impression sacrée
qui fait le charme principal du tableau de M. Point. Le troisième,
qui nous sort tout à fait du rêve, et n’a de commun avec le précédent
qu’un même effort pour peindre la lumière, c’est la toile de M. Fourié,
Au soleil : les recherches en sont ingénieuses, le mouvement naturel
et bien marqué, la peinture ferme et puissante. Comme les qualités
de cette œuvre ne sont pas de celles que je préfère, je ne l’aurais
peut-être pas regardée avec l’attention qu’elle mérite. C’est Saurel qui
me l’a signalée. Il trouve qu’elle a quelques-uns des mérites de Roll,
qu’il adore, et que je ne comprends pas du tout. Roll a provoqué entre
nous une discussion très vive, mais très courte, nos points de vue
étant directement opposés, Saurel me disait :

— C’est magnifique !

Je lui demandais pourquoi, et il me répondait, avec de vains
efforts pour préciser :

— Parce que c’est magnifique !...

Moi, je lui disais que cet art me déplaisait horriblement. Il me
demandait pourquoi, et je ne pouvais que lui répéter :

— Parce qu’il me déplaît.

Alors, il se récriait :

— Mais l’Étude !... Les deux femmes nues en plein air !...

Je l’exaspérai tout à fait en exprimant mon sentiment par un mot
énergique, que je ne répéterai pas ici, pour éviter de me mettre
publiquement dans mon tort.
 
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