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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 6.1891

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Nr. 1
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Renan, Ary: Kairouan, 2: l'art arabe dans le Maghreb
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https://doi.org/10.11588/diglit.24450#0062

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ornée de frises de marbre antique analogues à celles de la porte
intérieure du trésor. Les marches de l’escalier sont formées de place
en place par des morceaux de soffites antiques à rosaces, par des
inscriptions chrétiennes et par des bas-reliefs brisés, tels que des
foudres païennes usées par les babouches des mollahs musulmans. Ce
minaret qui ne répond nullement à la description d’El-Bekri, a rem-
placé celui de Hassan-ibn-Noman dont MM. Iloudas et Basset 1 ont
cru voir les restes à l’angle S.-O. de la mosquée. A dire franchement
notre opinion, il est peu de minarets plus disgracieux. Mais sa hau-
teur en fait un merveilleux point de repère. A l’heure de la prière,
nous y avons suivi le muezzin jusqu’au balcon où il déploie son
grand drapeau rouge. De toutes les coupoles, de tous les minarets
monte alors une cantilène monotone. Il y a des coupoles surbaissées,
des coupoles lisses, d’autres cannelées, des coupoles en forme de
melon, en forme de poire, en forme d’œuf, en forme de figue...

Il est facile de voir, à l’examen de la Grande Mosquée de Kairouan,
sans doute une des plus considérables de Tunisie, que les construc-
teurs et les artistes de l’Islam africain n’ont pas eu l’envergure de
ceux de l’Orient asiatique. L’architecture algérienne et tunisienne
est basse, chétive, pauvre; Tlemcen seul fait exception, à la frontière
extrême de ces deux grandes provinces. Les plus beaux temps de
l’architecture musulmane n’ont rien produit, sous cette latitude,
qu’on puisse comparer à la mosquée d’El-Aksa, aux mausolées du Caire
ou même à ceux de l’Inde. Tandis que la grande mosquée de Damas,
qui date de 705, monte dans le ciel ses coupoles et ses fins'minarets ;
tandis que les tombeaux des khalifes du Caire 2 ont la grandeur de
nos cathédrales, avec leur hautes voûtes savamment suspendues sur
des tambours hardis, les meilleurs monuments de la Tunisie et de
l’Algérie semblent arrêtés à une faible hauteur par ignorance ou timi-
dité. La preuve la meilleure de la médiocrité des architectes africains
c’estque, bien postérieurement à leurs œuvres les plus renommées, qui
ne produisent aucun effet, s’élevaient, sur un autre sol, des merveilles
telles que les mosquées de Barkouk (1149) et de Kalaoun (1305) en
Égypte, et l’Alhambra (1309) en Espagne. Les constructions tuni-
siennes sont massives et négligées; les proportions n’ont rien d’im-
posant ; la décoration est rare et rustique. On ne saurait croire
combien les barres de bois, véritables béquilles horizontales qui se

1. Op. cit.

2. La mosquée d’Amrou date de 643 et 714; celle d’Ahmed-ben-Touloun de 876.
 
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