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GAZETTE DES BEAUX-AIITS.
Dans la ville rivale de Sicyone, à Àrgos, un grand nom domine
tous les autres : c’est celui d’Agélaïdas. Il est souvent téméraire, avec
l’insuffisance des renseignements antiques, de prétendre apprécier
pour cette époque la valeur relative des artistes. Ici, le doute n’est
pas possible. L’homme à qui la tradition donne pour élèves les trois
plus grands sculpteurs du ve siècle, n’est pas seulement un habile
ouvrier de style. Si l’antiquité saluait en lui le maître de Myron, de
Polyclète et de Phidias, c’est que, par l’ampleur de son talent, il
dépassait ses contemporains : on lui reconnaissait les qualités vigou-
reuses et puissantes qui font un chef d’école.
De sa vie, nous ignorons presque tout. La date de sa période
d’activité est elle-même matière à discussion L Mais nous pouvons
écarter tout d’abord le renseignement erroné de Pline, qui place
vers 432 l’époque où son talent est à l’apogée 1 2. En réalité, les indica-
tions chronologiques les plus certaines nous sont fournies par les
victoires des athlètes dont Agélaïdas exécute les statues : or, elles
s’échelonnent entre les années 520 et 511 3. Si, comme on peut le
croire, ce sont là des œuvres de jeunesse, rien n’empêche que son
activité se prolonge jusque vers 465, c’est-à-dire jusqu’au temps où
Phidias débute 4 5, et nous placerons volontiers vers 480 l’épanouisse-
ment complet de sa maturité. Reste à expliquer un fait assez embar-
rassant, signalé il est vrai par des textes dont l’autorité est
médiocre s. Au moment de la grande peste qui ravagea l’Attique
en 430, les Athéniens auraient consacré dans le dème de Mélité une
statue d’Héraclès secourable (Alexikakos), œuvre du maître argien.
La tradition est-elle exacte? Comme on ne saurait prolonger jusqu’à
1. Voir surtout Brunn, Griech. Künstler, I, pp. 63-74. G. Robert, Archœologische
Maerchen, dans les Philologische Untersuchungen de Kiéssling et U. von Willa-
mowitz-Moellendorf, p. 92 et suivantes. Beulé place la période d’activité d’Agélaïdas
entre 513 et 455 (L’Art grec avant Périclès, p. 431).
2. Pline, Nat. Hist., XXXIV, 49.
3. Ces athlètes sont les suivants^: Anokhos, vainqueur à l'Olympiade 65 = 520-
519; Kléosthènes, 01. 66 = 5-15-514; Timasithéos, 01. 67 = 512-511 (Pausanias,
VI, 14, 11; VI, 10, 6 ; VI, 8, 6).
4 M. Klein a essayé de démontrer que Phidias n’a pas pu être l’élève d’Agélaïdas
(Arch. épigr. Mitlheilungen ans OEslerreich, VII, p. 64). Mais ces doutes ne nous
semblent pas fondés. Beaucoup plus spécieuse est l’argumentation de M. C. Robert
au sujet de Polyclète [Arch. Maerchen, p. 95). D’après les calculs de M. Robert,
Agélaïdas aurait eu 58 ans au moment de la naissance de Polyclète, ce qui laisse
peu de vraisemblance à la tradition courante.
5. Scholiaste d’Aristophane, Les Grenouilles, vers 504; Tzetzès, Chil. VIII, 325.
GAZETTE DES BEAUX-AIITS.
Dans la ville rivale de Sicyone, à Àrgos, un grand nom domine
tous les autres : c’est celui d’Agélaïdas. Il est souvent téméraire, avec
l’insuffisance des renseignements antiques, de prétendre apprécier
pour cette époque la valeur relative des artistes. Ici, le doute n’est
pas possible. L’homme à qui la tradition donne pour élèves les trois
plus grands sculpteurs du ve siècle, n’est pas seulement un habile
ouvrier de style. Si l’antiquité saluait en lui le maître de Myron, de
Polyclète et de Phidias, c’est que, par l’ampleur de son talent, il
dépassait ses contemporains : on lui reconnaissait les qualités vigou-
reuses et puissantes qui font un chef d’école.
De sa vie, nous ignorons presque tout. La date de sa période
d’activité est elle-même matière à discussion L Mais nous pouvons
écarter tout d’abord le renseignement erroné de Pline, qui place
vers 432 l’époque où son talent est à l’apogée 1 2. En réalité, les indica-
tions chronologiques les plus certaines nous sont fournies par les
victoires des athlètes dont Agélaïdas exécute les statues : or, elles
s’échelonnent entre les années 520 et 511 3. Si, comme on peut le
croire, ce sont là des œuvres de jeunesse, rien n’empêche que son
activité se prolonge jusque vers 465, c’est-à-dire jusqu’au temps où
Phidias débute 4 5, et nous placerons volontiers vers 480 l’épanouisse-
ment complet de sa maturité. Reste à expliquer un fait assez embar-
rassant, signalé il est vrai par des textes dont l’autorité est
médiocre s. Au moment de la grande peste qui ravagea l’Attique
en 430, les Athéniens auraient consacré dans le dème de Mélité une
statue d’Héraclès secourable (Alexikakos), œuvre du maître argien.
La tradition est-elle exacte? Comme on ne saurait prolonger jusqu’à
1. Voir surtout Brunn, Griech. Künstler, I, pp. 63-74. G. Robert, Archœologische
Maerchen, dans les Philologische Untersuchungen de Kiéssling et U. von Willa-
mowitz-Moellendorf, p. 92 et suivantes. Beulé place la période d’activité d’Agélaïdas
entre 513 et 455 (L’Art grec avant Périclès, p. 431).
2. Pline, Nat. Hist., XXXIV, 49.
3. Ces athlètes sont les suivants^: Anokhos, vainqueur à l'Olympiade 65 = 520-
519; Kléosthènes, 01. 66 = 5-15-514; Timasithéos, 01. 67 = 512-511 (Pausanias,
VI, 14, 11; VI, 10, 6 ; VI, 8, 6).
4 M. Klein a essayé de démontrer que Phidias n’a pas pu être l’élève d’Agélaïdas
(Arch. épigr. Mitlheilungen ans OEslerreich, VII, p. 64). Mais ces doutes ne nous
semblent pas fondés. Beaucoup plus spécieuse est l’argumentation de M. C. Robert
au sujet de Polyclète [Arch. Maerchen, p. 95). D’après les calculs de M. Robert,
Agélaïdas aurait eu 58 ans au moment de la naissance de Polyclète, ce qui laisse
peu de vraisemblance à la tradition courante.
5. Scholiaste d’Aristophane, Les Grenouilles, vers 504; Tzetzès, Chil. VIII, 325.