220
GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
II.
En nous faisant entrevoir une grande école, active, vivace et
prospère, tous ces textes irritent notre curiosité sans la satisfaire.
Que d'œuvres perdues à jamais, et quelles lacunes irréparables
dans l’histoire d’une des périodes les plus attachantes de l’art grec !
Pouvons-nous au moins nous flatter de retrouver, dans les monu-
ments de nos musées, le souvenir affaibli de ces statues d’athlètes
où triomphait le talent des sculpteurs argiens? Sans céder à l’attrait
des hypothèses aventurées, on peut examiner avec quelque confiance
deux bronzes qui paraissent se rattacher à l’école argivo-sicyonienne.
Le premier est une statue plus petite que nature, mesurant 1m, 11 et
qui, de la collection Barberini a passé au palais Sciarra, à Rome 1.
Supprimez le bras gauche tenant la corne d’abondance, restauration
moderne assez malheureuse : il reste une statue d’adolescent, où l’on
reconnaîtra volontiers, avec M. Studniczka, un vainqueur à quelque
concours d’enfants. Pour la structure du corps, pour la pose du bi’as
droit, la statue Sciarra n’est pas sans analogie avec l’Apollon de
Piombino; mais le style est déjà plus coulant et plus libre, et l’ab-
sence du sourire conventionnel donne au visage une remarquable
expression de sévérité. L’œuvre date sans doute du premier quart du
ve siècle. Un autre bronze plus petit, une statuette du Musée de
Berlin, provient directement de l’Argolide ; il a été trouvé à Ligourio,
près du célèbre sanctuaire d’Epidaure 2. C’est un jeune homme nu,
aux formes robustes et pleines, tenant de la main gauche une balle
(acpaïpx), l’instrument d’un jeu cher aux éphèbes péloponésiens, et
dans la main droite duquel on peut replacer, sans trop de témérité,
le bâton à bout recourbé qui servait de raquette. Chose curieuse : ce
bronze exécuté vers 470 environ, offre déjà les proportions massives
et carrées qui seront celles du canon de Polyclète. Le grand sculpteur
d’Argos a-t-il donc trouvé ce principe établi, comme une tradition
d’école, et en formulant magistralement dans le Doryphore les règles
de ce canon, s’est-il souvenu de l’enseignement d’Agélaïdas? L’hypo-
1. Studniczka, Roemisclie Mittheilungen, II, 1887, p..90, pl. IV, V.
2. Furtwaengler, Fünfzigstes Programm zum Winckelmannsfeste, 1890, pp.
125-152, pl. 1
GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
II.
En nous faisant entrevoir une grande école, active, vivace et
prospère, tous ces textes irritent notre curiosité sans la satisfaire.
Que d'œuvres perdues à jamais, et quelles lacunes irréparables
dans l’histoire d’une des périodes les plus attachantes de l’art grec !
Pouvons-nous au moins nous flatter de retrouver, dans les monu-
ments de nos musées, le souvenir affaibli de ces statues d’athlètes
où triomphait le talent des sculpteurs argiens? Sans céder à l’attrait
des hypothèses aventurées, on peut examiner avec quelque confiance
deux bronzes qui paraissent se rattacher à l’école argivo-sicyonienne.
Le premier est une statue plus petite que nature, mesurant 1m, 11 et
qui, de la collection Barberini a passé au palais Sciarra, à Rome 1.
Supprimez le bras gauche tenant la corne d’abondance, restauration
moderne assez malheureuse : il reste une statue d’adolescent, où l’on
reconnaîtra volontiers, avec M. Studniczka, un vainqueur à quelque
concours d’enfants. Pour la structure du corps, pour la pose du bi’as
droit, la statue Sciarra n’est pas sans analogie avec l’Apollon de
Piombino; mais le style est déjà plus coulant et plus libre, et l’ab-
sence du sourire conventionnel donne au visage une remarquable
expression de sévérité. L’œuvre date sans doute du premier quart du
ve siècle. Un autre bronze plus petit, une statuette du Musée de
Berlin, provient directement de l’Argolide ; il a été trouvé à Ligourio,
près du célèbre sanctuaire d’Epidaure 2. C’est un jeune homme nu,
aux formes robustes et pleines, tenant de la main gauche une balle
(acpaïpx), l’instrument d’un jeu cher aux éphèbes péloponésiens, et
dans la main droite duquel on peut replacer, sans trop de témérité,
le bâton à bout recourbé qui servait de raquette. Chose curieuse : ce
bronze exécuté vers 470 environ, offre déjà les proportions massives
et carrées qui seront celles du canon de Polyclète. Le grand sculpteur
d’Argos a-t-il donc trouvé ce principe établi, comme une tradition
d’école, et en formulant magistralement dans le Doryphore les règles
de ce canon, s’est-il souvenu de l’enseignement d’Agélaïdas? L’hypo-
1. Studniczka, Roemisclie Mittheilungen, II, 1887, p..90, pl. IV, V.
2. Furtwaengler, Fünfzigstes Programm zum Winckelmannsfeste, 1890, pp.
125-152, pl. 1