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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
menter les portées, — par conséquent, à donner satisfaction au vœu
général en amplifiant les nefs. A Noyon, à Senlis, en toutes les
églises commencées après Saint-Denis, M. Anthyme Saint-Paul fait
remarquer le développement des absides. Au xme siècle, chœurs
et nefs arriveront à se balancer. Il est dans l’ordre des traditions
de se modifier lentement, par enchaînement d’appropriations et
d’épreuves.
Notre-Dame de Noyon nous apporte une confirmation saisissante
de cette vérité. Ce fut une des œuvres de l’art ogival dont se préoccupa
le plus tôt l’érudition moderne. Vitet l’étudia en une monographie
justement célèbre, où se résumèrent les conclusions et les hypothèses
de l’archéologie avant Quicherat et Viollet-le-Duc. On croyait, alors,
se trouver en présence d’un type original, quand on n’a devant soi
qu’un des plus beaux exemples du style primaire. De l’examen de
certaines parties basses du chœur, M. Gonse infère que l’évêque
Simon de Vermandois a bien pu poser les fondements, après l’incendie
de 1131, qui dévora l’ancienne église. Rien n’empêche de l’admettre,
encore que le gros œuvre même — interrompu sans doute au départ de
de Simon pour la Croisade —• appartienne, visiblement, au pontificat
de Baudoin de Flandre, et au plein milieu du siècle. Ce chœur
rappelle par ses détails la charmante salle capitulaire de Saint-Jean-
aux-Bois, dans la forêt de Compiègne, datée précisément de 1152, et,
par son plan général, ses chapelles rayonnantes et sa tribune haute,
se rattache au fameux rond-point dionysien. En dehors de son dispo-
sitif absidal, Notre-Dame de Noyon se réclame de plusieurs particu-
larités de deux sortes : des survivances du style passé accommodées
aux méthodes neuves et de véritables innovations. Sous ses voûtes
délibérément croisées d’ogives, le plein cintre domine à toutes les
baies et le transsept affecte la forme arrondie des transsepts romans
de la cathédrale de Tournay et des églises des bords du Rhin. Ce sont
là des attardements de romanisme, légitimés, d’ailleurs, par un art
exquis et conciliés avec le programme gothique. Mais, d’autre part,
voici des nouveautés d’avenir : ces alternances de colonnes mono-
cylindriques et de piles cantonnées, s’ajustant, dans la nef, à la
composition des voûtes sexpartites, et donnant à la perspective un
jeu ondoyant et vibrant, et ces claires-voies de pierre, aux hautes
fenêtres du transsept, divisées par un meneau et doublées, au dehors,
d’une arcature géminée. Les architectes vont user à l’envi de
cadences de monostyle et de piles renforcées ; on en notera des
exemples à Sens, où l’alternance est faite d’une grosse colonne et de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
menter les portées, — par conséquent, à donner satisfaction au vœu
général en amplifiant les nefs. A Noyon, à Senlis, en toutes les
églises commencées après Saint-Denis, M. Anthyme Saint-Paul fait
remarquer le développement des absides. Au xme siècle, chœurs
et nefs arriveront à se balancer. Il est dans l’ordre des traditions
de se modifier lentement, par enchaînement d’appropriations et
d’épreuves.
Notre-Dame de Noyon nous apporte une confirmation saisissante
de cette vérité. Ce fut une des œuvres de l’art ogival dont se préoccupa
le plus tôt l’érudition moderne. Vitet l’étudia en une monographie
justement célèbre, où se résumèrent les conclusions et les hypothèses
de l’archéologie avant Quicherat et Viollet-le-Duc. On croyait, alors,
se trouver en présence d’un type original, quand on n’a devant soi
qu’un des plus beaux exemples du style primaire. De l’examen de
certaines parties basses du chœur, M. Gonse infère que l’évêque
Simon de Vermandois a bien pu poser les fondements, après l’incendie
de 1131, qui dévora l’ancienne église. Rien n’empêche de l’admettre,
encore que le gros œuvre même — interrompu sans doute au départ de
de Simon pour la Croisade —• appartienne, visiblement, au pontificat
de Baudoin de Flandre, et au plein milieu du siècle. Ce chœur
rappelle par ses détails la charmante salle capitulaire de Saint-Jean-
aux-Bois, dans la forêt de Compiègne, datée précisément de 1152, et,
par son plan général, ses chapelles rayonnantes et sa tribune haute,
se rattache au fameux rond-point dionysien. En dehors de son dispo-
sitif absidal, Notre-Dame de Noyon se réclame de plusieurs particu-
larités de deux sortes : des survivances du style passé accommodées
aux méthodes neuves et de véritables innovations. Sous ses voûtes
délibérément croisées d’ogives, le plein cintre domine à toutes les
baies et le transsept affecte la forme arrondie des transsepts romans
de la cathédrale de Tournay et des églises des bords du Rhin. Ce sont
là des attardements de romanisme, légitimés, d’ailleurs, par un art
exquis et conciliés avec le programme gothique. Mais, d’autre part,
voici des nouveautés d’avenir : ces alternances de colonnes mono-
cylindriques et de piles cantonnées, s’ajustant, dans la nef, à la
composition des voûtes sexpartites, et donnant à la perspective un
jeu ondoyant et vibrant, et ces claires-voies de pierre, aux hautes
fenêtres du transsept, divisées par un meneau et doublées, au dehors,
d’une arcature géminée. Les architectes vont user à l’envi de
cadences de monostyle et de piles renforcées ; on en notera des
exemples à Sens, où l’alternance est faite d’une grosse colonne et de