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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Dans Yaffulavit qu’elle rédigea pour se disculper, en 1805, la prin-
cesse de Galles nia de la façon la plus formelle que ses relations avec
Lawrence eussent eu jamais un caractère d’intimité. « M. Lawrence
avait commencé, dit-elle, un grand portrait de moi et de ma fille.
Miss Garth et miss Hayman se trouvaient au château dans le même
temps. M. Lawrence fit part à miss Hayman de son désir d’être
autorisé à passer quelques nuits à Montague-House, afin de pouvoir
travailler à son tableau le matin avant que la princesse Charlotte et
moi-même ne commencions à poser. C’est une requête de même genre
que m’avait adressée sir William Beechey, lorsqu’il peignait mon
portrait. M. Lawrence occupait la même chambre qu’avait alors
occupée sir William Beechey, une chambre située dans l’extrémité
du château tout à fait opposée à celle où étaient mes appartements.
M. Lawrence ne dînait même pas avec moi : on lui servait son dîner
dans sa chambre. Après le dîner seulement il descendait au salon où
mes dames et moi nous nous tenions dans la soirée. Quelquefois il y
avait un concert, où il prenait part; quelquefois aussi il lisait des
vers. »
Cette déclaration concordait avec une absence si complète de
preuves décisives à l’appui de l’accusation, que Lawrence n’eut à
souffrir dans le procès aucun dommage effectif. Et c’est en vérité fort
heureux pour lui : car, en dépit de l’absence de preuves, et du témoi-
gnage de la princesse, il n’est pas du tout certain qu’il ait borné sa
galanterie envers son royal modèle à lui faire visite le soir au salon,
devant les dames de la suite, à lui chanter les romances à la mode et
à lui réciter des vers. D’une lettre adressée à Lawrence par une
dame de la maison royale, et citée par Williams, il ressort en effet
que le peintre avait fait mention à cette dame de la très spéciale
faveur à lui témoignée par la princesse de Galles. La même dame,
dans une autre lettre, parle à .Lawrence du danger où il a été un
moment de « perdre la tète ».
Et en effet il semble bien que le malheureux Lawrence perdit la
tête dans cet incident, poussé sans doute par un trop naturel désir de
la garder sur ses épaules. Au lieu de s’en tenir à l’affidavit
d’Amélie-Caroline et de se cacher dans un coin pour attendre l’oubli
complet de l’aventure, il eut l’idée de protester lui-même, par des
lettres publiques, de l’innocence de ses relations avec la pauvre
princesse, et cela lorsque déjà les juges lui avaient donné gain de
cause, comme s’il croyait que leur verdict n’avait pas tranché le
débat. « L’indiscrétion en pareille matière, dit justement Charles
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Dans Yaffulavit qu’elle rédigea pour se disculper, en 1805, la prin-
cesse de Galles nia de la façon la plus formelle que ses relations avec
Lawrence eussent eu jamais un caractère d’intimité. « M. Lawrence
avait commencé, dit-elle, un grand portrait de moi et de ma fille.
Miss Garth et miss Hayman se trouvaient au château dans le même
temps. M. Lawrence fit part à miss Hayman de son désir d’être
autorisé à passer quelques nuits à Montague-House, afin de pouvoir
travailler à son tableau le matin avant que la princesse Charlotte et
moi-même ne commencions à poser. C’est une requête de même genre
que m’avait adressée sir William Beechey, lorsqu’il peignait mon
portrait. M. Lawrence occupait la même chambre qu’avait alors
occupée sir William Beechey, une chambre située dans l’extrémité
du château tout à fait opposée à celle où étaient mes appartements.
M. Lawrence ne dînait même pas avec moi : on lui servait son dîner
dans sa chambre. Après le dîner seulement il descendait au salon où
mes dames et moi nous nous tenions dans la soirée. Quelquefois il y
avait un concert, où il prenait part; quelquefois aussi il lisait des
vers. »
Cette déclaration concordait avec une absence si complète de
preuves décisives à l’appui de l’accusation, que Lawrence n’eut à
souffrir dans le procès aucun dommage effectif. Et c’est en vérité fort
heureux pour lui : car, en dépit de l’absence de preuves, et du témoi-
gnage de la princesse, il n’est pas du tout certain qu’il ait borné sa
galanterie envers son royal modèle à lui faire visite le soir au salon,
devant les dames de la suite, à lui chanter les romances à la mode et
à lui réciter des vers. D’une lettre adressée à Lawrence par une
dame de la maison royale, et citée par Williams, il ressort en effet
que le peintre avait fait mention à cette dame de la très spéciale
faveur à lui témoignée par la princesse de Galles. La même dame,
dans une autre lettre, parle à .Lawrence du danger où il a été un
moment de « perdre la tète ».
Et en effet il semble bien que le malheureux Lawrence perdit la
tête dans cet incident, poussé sans doute par un trop naturel désir de
la garder sur ses épaules. Au lieu de s’en tenir à l’affidavit
d’Amélie-Caroline et de se cacher dans un coin pour attendre l’oubli
complet de l’aventure, il eut l’idée de protester lui-même, par des
lettres publiques, de l’innocence de ses relations avec la pauvre
princesse, et cela lorsque déjà les juges lui avaient donné gain de
cause, comme s’il croyait que leur verdict n’avait pas tranché le
débat. « L’indiscrétion en pareille matière, dit justement Charles
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